Objectifs et missions universitaires

C'est généralement un lieu commun que de dire que la mission de l'université est de conserver, accroître et diffuser les connaissances, peu importe le contexte dans lequel elle se situe. Il est donc admis universellement que c'est là la caractéristique fondamentale de l'université. Cependant, depuis la deuxième moitié du XXe siècle plus particulièrement, l'université a été et est encore l'objet de nombreuses pressions sociales pour qu'elle ajuste ses objectifs en fonction de besoins nouveaux apparus dans la plupart des sociétés modernes, comme le souligne René Hurtubise:

½L'un des plus sérieux problèmes auxquels toute université est confrontée consiste assurément en son insertion significative dans son milieu immédiat. Cette socialisation de l'université aurait des répercussions qui se feraient sentir tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des institutions ! La gageure repose dans l'alchimie entre les dimensions internationale et nationale de l'université: dans la qualité d'un savoir connu et critiqué, repensé et réadapté, parfois découvert, qui débouche sur l'universel et qu'on recherche et qu'on maintient sans pour autant craindre le contact avec les réalités vécues qui exigent des applications concrètes.╗

Plus précisément:

½Les fonctions de l'université, donc par extension ses objectifs, évoluent, changent et se modifient au fur et à mesure que se transforme le monde ambiant, que se modifie le type de société dans laquelle nous vivons. Il y a entre l'université et la société une compénétration et une osmose qui font que l'une et l'autre s'influencent mutuellement dans une relation dialectique.╗

Cette dialectique entre l'université et la société s'est particulièrement intensifiée à partir du milieu des années 1960, au Québec, après une période intense d'industrialisation et une effervescence sociale importante marquée par ce qui a été appelé la ½Révolution tranquille╗. Dans le domaine de l'éducation, c'est le rapport de la Commission Royale d'enquête sur l'enseignement paru en 1964, appelé rapport Parent du nom de son président, qui a marqué le pas, non seulement de la décennie mais des décennies suivantes jusqu'à nos jours.

La société québécoise d'alors présentait les caractéristiques d'une société relativement urbanisée:

½De telle sorte qu'au moment de la mise sur pied de la Commission Parent, la contradiction fondamentale de la société québécoise était la suivante: bien qu'ayant toutes les apparences d'une société industrialisée et urbanisée, elle n'en conservait pas moins une culture largement traditionnelle. Le Québec vivait un type de société et en valorisait un autre. Le grand mérite du rapport Parent nous semble être la tentative qu'il a faite pour instituer et établir un système d'éducation qui corresponde à ce que le Québec était devenu en fait.

Le rapport Parent montrait que le système d'éducation alors en vigueur ne répondait plus aux impératifs du temps et ne cadrait pas avec ceux que commandait la société industrielle que le Québec était devenu.╗

Ce système d'éducation proposé par le rapport Parent devait se construire à partir d'une conception plus moderne et plus ouverte à la société et ainsi substituer ½un humanisme beaucoup plus sociologique, c'est-à-dire fondé sur les impératifs de la société contemporaine qu'elle oppose à la société traditionnelle╗. Les universités ont été tenues à l'écart du grand mouvement de réforme du milieu des années 1960, mais elles ont senti que tout bougeait autour d'elles, et qu'elles ne pourraient l'ignorer encore bien longtemps.

Elles ont procédé à des examens internes sur leur structure, leur gestion, leur rôle et leurs composantes:

½Cependant, il manquait à ces diverses initiatives institutionnelles, fort louables en soi par ailleurs, cette vision d'ensemble et ces conceptions globales qui permettraient d'articuler en un projet cohérent les différentes orientations des composantes de l'enseignement supérieur.╗

Le Conseil des universités a donc commandé, en 1970, un rapport sur les objectifs de l'enseignement supérieur qui fut déposé au Conseil le 7 décembre 1972. Les changements engendrés par la réforme du système d'éducation depuis 1964, avec la création de la Direction générale de l'enseignement supérieur au ministère de l'Éducation, de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, de l'Université du Québec et de son Institut national de la recherche scientifique, imposaient un examen approfondi de la situation de l'enseignement supérieur au Québec. Le diagnostic de la situation était clair: il y avait un malaise ressenti par tout le monde.

½Le malaise de l'université est ressenti aujourd'hui d'une façon générale et plus encore, d'une façon aiguë. Il se manifeste dans la contestation ou le manque d'intérêt des étudiants, dans la revendication des professeurs et dans les difficultés que rencontrent les administrateurs dans leur gestion de l'institution. Bref, un malaise certain sur le devenir de l'université est ressenti par tous ceux que l'université concerne de plus près, et même par la société dont elle est partie intégrante.╗



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