Malgré tout, le débat sur la langue s'est passablement calmé depuis quelques années. L'antagonisme québécois, anglophones et francophones, s'est plutôt cristallisé autour du débat politique et territorial entourant le référendum sur la séparation du Québec d'avec le Canada. Il est vrai que la politique linguistique, mise de l'avant au cours des années 1970, a permis de réaliser concrètement l'objectif d'intégration scolaire au primaire et au secondaire des immigrants que s'était fixé le gouvernement québécois.
Les écoles anglophones ont vu fondre leur clientèle alors que les institutions francophones, surtout celles des quartiers plus ethniques de Montréal, ont, selon certains, pratiquement perdu leur capacité d'intégrer les allophones en raison de leur surpopulation d'immigrants et du peu de Québécois de souche fréquentant ces écoles. (La Presse, 19 avril 1994).
Est-ce que les francophones vont quand même réussir à réellement intégrer les communautés ethniques à leur culture et à leur mode de vie? D'une part, selon une étude d'Uli Locher (citée par [Després-Poirier 1995]), le bilinguisme progresse et les transferts linguistiques sont encore neuf fois plus nombreux vers l'anglais que vers le français. D'autre part, des journalistes de La Presse rapportent que l'anglais est en chute libre au Québec (5 mars 1994) et qu'un Anglo-Québécois sur dix parle le français à la maison (18 décembre 1993).
On peut également se demander si l'intégration scolaire francophone de la majorité des immigrants va suffire à conserver l'équilibre actuel entre francophones et anglophones et même à augmenter le nombre de francophones. Le taux de natalité des Québécois francophones est encore très bas et ce ne sont pas tous les allophones ayant étudié en français qui deviennent réellement francophones. Plusieurs vivent et travaillent déjà en anglais à leur sortie du secondaire et plusieurs autres choisissent de terminer leurs études collégiales et universitaires dans le réseau anglophone.
On peut également se demander si la politique linguistique du gouvernement québécois pourra empêcher le mouvement régulier d'anglicisation qui se vit depuis la dernière guerre mondiale ici au Québec comme dans plusieurs autres pays du monde.
Et que dire à propos de la qualité de la langue usuelle parlée et écrite des jeunes Québécois? La politique linguistique ne peut pas grand chose lorsqu'il s'agit de les motiver, un à un, dans leur vie de tous les jours, à respecter la qualité linguistique, phonétique et syntaxique du français.
La Commission des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec
C'est en ayant en tête cette préoccupation quant à la situation actuelle, mais aussi face à l'avenir du français au Québec, qu'une Commission est mise sur pied au cours de l'année 2000, sous la présidence de Gérald Larose: la Commission des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec. Le mandat confié à cette commission témoigne de préoccupations héritées du contexte historique, social et politique propre au Québec, mais aussi de l'émergence de phénomènes mondiaux relativement nouveaux qui font pression sur la langue française.
Le mandat de la commission
Des tendances lourdes influent sur l'attraction du français:
le contexte démographique lié à l'accroissement naturel de la population, l'immigration internationale, les migrations interrégionales et interprovinciales;
l'impact de la mondialisation des échanges et de l'introduction massive des nouvelles technologies de l'information et des communications, en particulier sur la langue de travail et des affaires;
la fragilité de la francophonie nord-américaine et internationale.
Le mandat des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec est le suivant:
préciser et analyser les plus importants facteurs qui influencent la situation et l'avenir de la langue française au Québec en fonction de l'évolution des principaux indicateurs, en particulier celui du taux de transferts linguistiques, et à partir de consultations publiques à travers le Québec;
procéder à l'examen d'une refonte globale de la Charte de la langue française comprenant notamment les hypothèses d'une révision des dispositions relatives à l'affichage public et de l'extension de l'application du chapitre sur la langue d'enseignement à l'enseignement collégial;
dégager des perspectives et des priorités d'action pour l'avenir de la langue française au Québec;
présenter des recommandations au gouvernement du Québec visant à assurer l'usage, le rayonnement et la qualité de la langue française au Québec.
La Commission a déposé son rapport au mois d'août 2001. Le chapitre 3 intitulé ½Assurer la maîtrise du français dans un aménagement linguistique pluriel╗ est consacré à la vaste et importante question de la langue d'enseignement, et ce à tous les ordres d'enseignement. Nous vous invitons à parcourir ce chapitre mais aussi l'ensemble du rapport intitulé ½Le français une langue pour tout le monde╗. Une nouvelle approche stratégique et citoyenne.
Deux plans d'action pour les langues d'enseignement
Le 9 février 2005, le ministre de l'Éducation a déposé un projet de modification au Régime pédagogique de l'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et secondaire qui permettra notamment d'offrir l'enseignement de l'anglais, langue seconde, dès le premier cycle du primaire. Cette mesure est entrée en vigueur en septembre 2006. Le régime pédagogique est traité de façon plus exhaustive au module 8. Vous pouvez vous y référer au besoin.