Événements récents et perspectives: l'ordre professionnel sur la glace...

À la lumière du processus de professionnalisation que nous venons de voir, si les premiers acteurs que sont les enseignants eux-mêmes ne s'approprient pas le discours et ne revendiquent pas leur statut de professionnels, la reconnaissance professionnelle tant souhaitée par les uns risque fort de ne pas progresser plus loin qu'en ce moment.

À ce chapitre, quelques événements récents peuvent avoir une certaine influence sur le cours des choses. Notons tout d'abord que des corporations professionnelles des enseignants existent depuis 1988 en Colombie-Britannique. Et en Ontario, province voisine du Québec, c'est le ministère de l'Éducation lui-même qui a décrété la formation d'un ordre professionnel des enseignants obligatoire pour tous en 1996.

Au Québec, en juin 1997, le Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec (CPIQ), après avoir fait un sondage auprès des enseignants du préscolaire/primaire et secondaire, ainsi que des professeurs en sciences de l'éducation des universités, a déposé une demande d'incorporation à l'Office des professions du Québec pour la création d'une corporation professionnelle des enseignants. La réaction des milieux syndicaux de la CEQ (aujourd'hui CSQ) en a été une de surprise, dans un premier temps, mais la position de la présidente de l'époque, Madame Lorraine Pagé, ne s'est pas fait attendre: la CEQ était contre l'idée d'une corporation professionnelle des enseignants. Des syndicats locaux se sont aussi exprimés ½contre la création d'un autre organisme de contrôle du travail des enseignants╗, comme l'exprimait la présidente du SEUAT de lÆépoque à la suite d'une assemblée générale en mai 1998.

Voici l'avis qu'exprimait Monsieur Luc Savard, ex-président de la FSE, lors d'une entrevue, sur la création d'un Ordre professionnel des enseignants.



D'autre part, le CRIFPE de l'Université Laval avait organisé une table ronde publique, le 2 décembre 1997, où différents intervenants, partisans et non partisans de la création d'un ordre professionnel des enseignants, ont exprimé leur point de vue. Les échanges ne semblent pas avoir permis de faire évoluer les positions de chacun, mais ont réussi à souligner quelques-uns des enjeux que soulève l'existence d'une telle organisation dans le paysage de l'éducation au Québec. Chose certaine, la réflexion a été présente dans tous les milieux sur cette question et plusieurs études ou analyses ont été publiées. Tout cela sÆest fait aussi dans un contexte de négociation et de changements majeurs dans l'organisation scolaire du Québec depuis le premier juillet 1998.

L'Office des professions s'est penché sur la demande qui a été déposée et s'est prononcée après un examen très exhaustif de la question.

Après plus de trois ans d'étude du dossier déposé par le CPIQ, l'Office des professions du Québec a entrepris une vaste consultation publique, en janvier 2002, sur la création d'un ordre professionnel des enseignantes et enseignants. Il est à noter que les répondants provenaient essentiellement d'organismes ou de groupes directement concernés et que le grand public n'y a pas vraiment participé. Dans chacune des catégories de répondants, on note que les avis sur le sujet étaient partagés. Il en est ainsi au sein même des enseignantes et enseignants tout comme chez les responsables de la formation des enseignants.

Parmi celles et ceux favorables à cette création, on retrouvait la Fédération des Commissions scolaires du Québec, l'Association des doyennes, doyens et directeurs, directrices pour l'étude et la recherche en éducation au Québec, la Faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, etc. Toutefois, le groupe des parents demeurait le seul à refléter une unanimité en faveur de la création d'un ordre professionnel. À l'inverse, chez les opposants figuraient les syndicats, la Fédération québécoise des professeures et professeurs d'université, etc. En ce qui a trait aux organismes gouvernementaux, ils n'affichent aucune position fortement appuyée dans un sens ou dans l'autre. Pour une analyse reflétant des nuances importantes sur les onze paramètres définis dans le document de consultation de l'OPQ, on peut se référer à l'avis du COFPE.

L'Office des professions a rendu une décision défavorable à la création d'un Ordre professionnel des enseignants, en décembre 2002, dans une analyse nuancée intitulée Avis de l'Office des professions du Québec sur l'opportunité de constituer un ordre professionnel des enseignantes et des enseignants. LÆOPQ reconnaît effectivement que le secteur dÆactivité des enseignants rejoint les critères de constitution dÆun ordre professionnel, mais considère que lÆajout dÆune telle instance de contrôle, fut-elle autogérée comme lÆest un ordre professionnel ne paraît pas nécessaire et est rejeté par une majorité dÆenseignants.

Avec l'arrivée au pouvoir d'un gouvernent du Parti Libéral en 2003, le dossier de l'Ordre a semblé refaire surface puisque ce parti en avait fait la promesse dans son programme. Il devait y avoir une Commission parlementaire en mai 2004 sur le sujet. Nous savons maintenant qu'il n'y aura pas formation d'un ordre professionnel des enseignantes et enseignants, mais une révision par le MELS de tout l'aspect concernant la ½gestion de la profession enseignante╗. DÆailleurs, le ministère ½planche╗ plutôt sur une ½Politique╗ ou un énoncé dÆorientation sur lÆinsertion professionnelle des enseignants, suite à lÆavis du COFPE et au colloque de 2004, qui ont mené à la création du Carrefour national de lÆinsertion professionnelle en enseignement (CNIPE).

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