Revendications et engagement sociopolitique : 1968-1982

Introduction

La troisième étape de l'histoire du syndicalisme enseignant au Québec s'étend sur une quinzaine d'années, soit de 1968 à 1982. Elle est principalement marquée par ce que Tardif [Tardif, J-C. (1995)] nomme l'action revendicative et l'action sociopolitique du syndicalisme enseignant. Ainsi, plusieurs rondes de négociations occupent la CEQ pendant une période ponctuée d'interventions liées à la lecture marxiste-léniniste de la société québécoise et de son développement, consolidant ainsi sa position d'acteur important. Éventuellement, la confrontation avec l'État s'adoucit et se transforme en un autre virage idéologique que certains qualifient de néolibéral, à la faveur de l'élection du Parti québécois en 1976. On peut donc retracer deux moments marquant la présente étape. Les personnes intéressées à approfondir les événements liés à cette période seraient bien avisées de consulter l'ouvrage de J. C. Tardif intitulé Le mouvement syndical et l'État, entre l'intégration et l'opposition: le cas de la CEQ (1969-1992).

Les affrontements idéologiques liés à la réforme scolaire: 1968-1976

Les négociations commencées en février 1968 se prolongent jusqu'en novembre 1969, soit pendant près de deux ans. Toutes les stratégies y passent de part et d'autre: conciliation, congrès spécial, grèves tournantes, injonctions, médiation, manifestations, et, finalement, démissions en juin 1969 de 16 474 membres sur 70 000 membres qui suivent le mot d'ordre de la CEQ. Ce dernier événement met un terme aux négociations et à la convention collective. Seulement 350 enseignants démissionnaires sont réembauchés à la rentrée, et ce, en dépit du fait que la CEQ exhorte ses membres à signer le nouveau contrat de travail. Les commissions scolaires ayant en effet comblé les postes grâce à l'arrivée massive de nouveaux enseignants et enseignantes attirés par la perspective d'une possible carrière, au retour d'enseignantes mariées qui voient la possibilité de reprendre du service, à la décroissance des effectifs enseignants, et aux tractations des commissions scolaires et du gouvernement. Certains enseignants digèrent mal les retombées de l'entente finalement signée en novembre 1969, compte tenu, entre autres, de l'échec des négociations au plan du calcul de tâche (maximum d'élèves par classe et maximum de périodes par semaine). Par ailleurs, d'autres enseignants reconnaissent que la condition enseignante, en général, en est ressortie améliorée.

Du côté de la CEQ, même si elle a pu sensibiliser l'opinion publique, le fait d'avoir perturbé la paix sociale et scolaire suscite difficilement un mouvement d'appui à ses demandes. C'est ainsi que les bases des fronts communs avec les autres syndicats dans les années à venir sont jetées à travers des colloques régionaux CEQ-CSN-FTQ tenus en 1969-70. La CEQ marque son rapprochement avec le milieu syndical à l'échelle provinciale, nationale et internationale et précise son engagement sociopolitique, à savoir que les enseignants sont des travailleurs salariés, exploités par le système capitaliste et qu'ainsi, la réforme scolaire n'est possible que dans une perspective de changement vers le socialisme radical. La CEQ renforce ainsi la rupture amorcée depuis 1967 avec l'État, et entreprend, sous la présidence d'Yvon Charbonneau, une démarche visant à diffuser une pédagogie critique dite de ½conscientisation╗ envers la société québécoise, et ce, parallèlement à la pédagogie en vigueur dans les écoles. Des documents tels que Premier plan, manifeste adopté au congrès de 1971, L'école au service de la classe dominante, manifeste adopté au congrès de 1972, École et luttes de classe, rapport de la Commission d'études sur le rôle de l'école et de l'enseignant (CEREE), remis au Congrès de 1974, et Manuel du 1er mai: pour une journée au service de la classe ouvrière, publié en 1975, y contribuent.



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