collection d'art moderne
Nature morte au buffet vert, 1928
Henri Matisse
Huile sur toile
81,5 x 100 cm
Don des Amis des Artistes Vivants, 1929
salle 04 : Matisse (1920-40)
N░ d'inventaire : LUX.1719 P
Jacques Guenne, dans son compte rendu du Salon d'Automne de 1929, commente ainsi Nature morte au buffet vert : "Voici une des toiles les plus accomplies de Matisse, une oeuvre que le public pourra placer α c⌠tΘ du chef d'oeuvre de CΘzanne, et qui nous donne une salutaire joie de pouvoir espΘrer en une Θpoque qui possΦde un tel maεtre. Sur un buffet de cuisine vert d'eau dont les portes entrouvertes dΘlivrent une raie noire qui cerne le ton, α l'instar des maεtres anciens, et sur lesquelles se trouve jetΘe, α gauche, une nappe quadrillΘe de bleu, le peintre a posΘ un pichet blanc ornΘ de motifs bleus, une assiette de fruits, un verre d'eau, enfin un couteau dont la noirceur du manche Θquilibre la composition. Si jamais commentaire a pu paraεtre inutile, c'est bien devant cette toile devant laquelle il semble impossible que, par la magie de la couleur, par la noblesse des lignes, par toute une vertu de joie et de sΘcuritΘ qui se dΘgage si intensΘment, l'oeil le plus barbare puisse n'Ωtre pas sΘduit."
Plusieurs termes de cette analyse sont α souligner. La rΘfΘrence α CΘzanne s'impose Θvidemment. Matisse a exprimΘ avec force son admiration et sa dette envers CΘzanne α de nombreuses reprises, et notamment dans un entretien avec le mΩme Jacques Guenne, paru en 1925 : "Si vous saviez toute la force morale, tout l'encouragement que me donna pendant toute la vie son merveilleux exemple ! Aux moments de doute, quand je me cherchais encore, effrayΘ parfois de mes dΘcouvertes, je pensais : 'Si CΘzanne a raison, j'ai raison', et je savais que CΘzanne ne s'Θtait pas trompΘ. Il y a, voyez-vous, dans l'oeuvre de CΘzanne des lois d'architecture qui sont bien utiles α un jeune peintre. Il eut, entre les plus grands, le mΘrite de vouloir, donnant α sa tΓche de peintre sa plus haute mission, que les tons fussent des forces dans un tableau." Cette rΘfΘrence constante α CΘzanne nourrit donc en profondeur tout l'oeuvre de Matisse depuis 1899. Elle semble ici α peu prΦs littΘrale, et d'abord par le choix mΩme des objets et ustensiles, dΘpourvus de toute connotation exotique ou thΘΓtrale. Le tissu α carreaux, le pichet α motifs discrets ne rappellent en rien l'exubΘrance dΘcorative des premiΦres annΘes niτoises. Les carreaux rΘguliers - un motif qu'on va retrouver souvent par la suite - rΦgnent aussi sur les murs du nouvel atelier de Matisse : il a quittΘ, au printemps 1927, l'appartement du 3e Θtage, pour occuper un double espace, bien plus vaste, au 4e Θtage de la mΩme maison, 1 place Charles FΘlix. Madame Henri Matisse rejoint son mari dans la nouvelle et confortable installation, au printemps 1928, donc peu avant l'exΘcution de Nature morte au buffet vert (photographiΘe en octobre 1928 par Marc Vaux, clichΘ n░ 7083).
Extrait de Matisse, Oeuvres de Henri Matisse, catalogue Θtabli par Isabelle Monod-Fontaine, Anne Baldassari, Claude Laugier, Paris, ⌐ Succession Matisse, ⌐ Editions du Centre Georges Pompidou, 1989.