collection d'art moderne



Nu aux oranges, 1953

Henri Matisse
Encre de Chine, gouache, papiers dΘcoupΘs sur papier marouflΘ sur toile

155 x 108 cm
Dation, 1991

salle 06 : Matisse
N░ d'inventaire : AM 1991-277

Combinant le rayonnement colorΘ de l'orange (α quoi dΦs 1918 Apollinaire associait Matisse) et la lumiΦre gΘnΘrΘe par le pinceau chargΘ d'encre de Chine sur le papier blanc, cette oeuvre concentre et symbolise tout le long effort de Matisse pour rΘconcilier le dessin et la couleur. Dans les dix derniΦres annΘes de sa vie, il a trouvΘ la possibilitΘ de donner de cette confrontation-rΘconciliation (qu'il commenτait de formaliser publiquement dΦs 1949 avec l'exposition des "IntΘrieurs" de Vence, confrontΘs par ses soins sur les murs du MusΘe national d'art moderne avec les dessins au pinceau des mΩmes annΘes) plusieurs versions α diffΘrentes Θchelles : d'abord α l'Θchelle intime du livre avec Jazz en 1947. Les pages manuscrites y font face aux images vives et violentes. A l'Θchelle monumentale, dans la chapelle de Vence, le dΘroulement comme stΘnographiΘ de la crucifixion traitΘe en noir et blanc rΘpond au rythme des grands vitraux colonnes. Dans la salle α manger de TΘriade, encore, en 1952, le signe dΘployΘ de l'arbre est confrontΘ α un vitrail trΦs colorΘ. Et pendant toutes ces annΘes, sur les murs de l'atelier se c⌠toyaient et alternaient, dans une incessante permutation, les grands dessins et les projets de gouaches sommairement ΘpinglΘs.
Ainsi le Nu monumental, tracΘ α l'encre de Chine, s'est-il trouvΘ un beau jour visitΘ par trois fruits d'or, sans doute dΘcoupΘs α l'origine en vue de quelque grand projet dΘcoratif. Et comme dans un conte des mille et une nuits, ils s'y sont fixΘs, α jamais... Le Nu aux oranges que Pierre Matisse avait accrochΘ dans sa propre salle α manger α New York et auprΦs duquel Hans Namuth l'a photographiΘ l'annΘe prΘcΘdant sa mort, est la figure emblΘmatique de l'Eden matissien, du royaume sans ombre. "Quel est le lieu", interroge Georges Duthuit dans son texte sur les gouaches dΘcoupΘes "o∙, restant identique tout a changΘ ? (...) o∙ les apparences subsistent, mais rendues α une autre dimension et comme spiritualisΘes, dΘsincarnΘes ? O∙ nul corps ne jette plus d'ombre Θtant lui-mΩme ombre brillante ? (...) O∙ l'on ne peut plus serrer dans ses bras ceux qui vous sourient, ni mordre aux fruits de l'offrande, ni recueillir les pleurs que l'on voit couler ? O∙ ce qui meuble l'univers est vouΘ α une irrΘmΘdiable et merveilleuse lΘgΦretΘ ? Ce sont lα les Champs-ElysΘes. L'Art a toujours relevΘ de ces rives lΘthΘennes mais il Θtait possible de l'ignorer ou de l'oublier : mΩme le poids de la terre avait ses simulacres, au royaume bienheureux".

I. M-F.
Extrait de Dation Pierre Matisse, MusΘe National d'Art Moderne, Paris, 1992.



collection d'art moderne musΘe Centre Georges Pompidou