collection d'art moderne



Cheval majeur, 1914/1976

Raymond Duchamp-Villon
Bronze

150 x 97 x 153 cm
Achat 1976

salle 46
N░ d'inventaire : AM 1977-206

Avec le Cheval destinΘ au Salon d'Automne de 1914, Duchamp-Villon rΘussit, enfin, α rΘaliser pleinement la fusion de la force vitale et de la force mΘcanique : tel Θtait son but dΘjα depuis le dΘbut de l'annΘe 1913, comme en tΘmoigne une lettre Θcrite en janvier α Walter Pach : "La puissance de la machine s'impose et nous ne concevons plus guΦre les vivants sans elle, nous sommes Θmus d'une maniΦre Θtrange par le fr⌠lement rapide des Ωtres et des choses et nous nous habituons, sans le savoir, α percevoir les forces des uns α travers les forces asservies par eux. De lα α prendre une opinion de la vie, telle qu'elle ne nous apparaisse plus que sous la forme de dynamisme supΘrieur, il n'y a qu'un pas vite franchi".
Si le terme futurisme est rarement ΘvoquΘ dans le cadre de l'avant-garde en France, il peut Ωtre appliquΘ α juste titre α cette oeuvre. ThΦme de prΘdilection des artistes italiens, comme Boccioni, et de certains peintres de la Section d'Or de Puteaux (Jacques Villon, Franτois Kupka), le cheval constitue pour Duchamp-Villon le sujet idΘal pour exprimer α la fois la puissance nerveuse de l'animal au galop et la force de la machine en plein fonctionnement : il devient alors un vΘritable "projectile" vivant, selon le propos mΩme de l'artiste.

L'histoire de l'oeuvre, ses diffΘrents stades d'Θlaboration rΘvΦlent un travail d'une grande complexitΘ : dans de nombreuses Θtudes - croquis au crayon et petites statuettes modelΘes en terre (les premiΦres associant au cheval la prΘsence d'un cavalier) - Duchamp-Villon, aidΘ par ses connaissances mΘdicales, poursuit l'analyse des lignes de force de l'animal seul. Au fur et α mesure de ses recherches (comme le montrent les nombreux dessins conservΘs au MusΘe) la surface se creuse, faisant apparaεtre ce que l'on pourrait appeler "l'essence" anatomique des parties fonctionnelles dominantes du cheval, qui se transforment alors progressivement en bielles, engrenages, essieux, axes et rouages d'une machine, sans perdre de leur vitalitΘ naturelle et organique.
Le modΦle du Cheval abouti n'Θtait haut que de quarante-quatre centimΦtres (l'original en plΓtre se trouve au musΘe de Grenoble, et un exemplaire en bronze, exΘcutΘ en 1976, au MNAM) ; Duchamp-Villon n'en verra jamais la fonte. Il avait nΘanmoins fait part α ses frΦres de son intention de le rΘaliser en acier α une Θchelle monumentale, afin de donner α son oeuvre sa pleine vocation de "cheval vapeur", allΘgorie de l'Γge industriel. AprΦs sa mort, ses deux frΦres s'employΦrent α le faire fondre en bronze, d'abord en 1931, α l'Θchelle d'un mΦtre de haut : le Grand cheval (plΓtre original et bronze conservΘs au MNAM), puis en 1966, α celle de un mΦtre cinquante : le Cheval majeur (plΓtre original au MusΘe de Rouen, fonte de neuf exemplaires en bronze assurΘe par la galerie Louis CarrΘ et par la Maison Susse ainsi que de trois Θpreuves d'artistes, le bronze du MNAM Θtant une Θpreuve spΘciale dΘdicacΘe). Ce n'est qu'en 1984 que la derniΦre Θpreuve disponible du Cheval majeur a pu Ωtre coulΘe, α l'initiative de la veuve de Marcel Duchamp et du MusΘe de Nancy, en acier selon le voeu initial de Duchamp-Villon.

Tout en travaillant α l'Θlaboration du Cheval, Duchamp-Villon exΘcute la TΩte de cheval, de conception trΦs proche. On n'a jamais su si cette tΩte dΘtachΘe (sans le dΘpart du cou) avait ΘtΘ pensΘe par l'artiste comme un ΘlΘment d'un cheval α l'Θchelle monumentale ou comme une oeuvre aboutie en soi. Les nombreux dessins prΘparatoires conservΘs au MusΘe, depuis les plus approximatifs jusqu'aux plus avancΘs, la prΘsentent toujours isolΘe : il faut reconnaεtre que l'absence d'attache α un corps constituΘ contribue α accentuer encore son aspect "aΘrodynamique". Une fois de plus, on se trouve confrontΘ α une anatomie plastique o∙ s'est opΘrΘe la fusion de l'organique et du mΘcanique.

M. R.
Extrait de La Collection du MusΘe national d'art moderne, sous la direction d'AgnΦs de la Beaumelle et Nadine Pouillon, Paris, Editions du Centre Georges Pompidou, 1986.



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