The Deep, 1953
Jackson Pollock
Huile et laque sur toile
220,40 x 150,20 cm
Don de la Menil Foundation, 1975
salle 34 : Pollock, Rothko
N░ d'inventaire : AM 1976-1230
DΦs le printemps 1951, Pollock commence une sΘrie de peintures noires, qui va interrompre, de faτon radicale mais momentanΘe, la pΘriode dite classique des drippings, c'est-α-dire des abstractions complexes au remplissage multicolore (il y reviendra avec deux grands drippings en ao√t 1952). Si l'idΘe de travailler la peinture avec une seule couleur, le noir, n'est pas nouvelle parmi les expressionnistes abstraits (Kline et Motherwell), l'utilisation qu'en fait Pollock est diffΘrente, en versant une "encre" trΦs liquide, sorte de lavis, sur le blanc des rΘserves. Ainsi s'impriment sur ce matΘriau poreux qu'est le coton des nuances o∙ apparaissent des figures. La technique est lα encore essentiellement celle des giclures que le peintre pratique depuis trois ans, en substituant cependant α l'emploi de bΓtons celui de grosses seringues. L'exΘcution de ces "dessins" sur toile, selon la propre qualification de l'artiste, se distingue du traitement traditionnel du dessin.
Avec The Deep, l'un des rares tableaux rΘalisΘs les derniΦres annΘes (O'Connor, numΘro 372), Pollock revient Θgalement α une organisation de la composition beaucoup plus "classique". Au lieu d'une surface entiΦrement recouverte et travaillΘe de maniΦre homogΦne, le tableau donne α voir une fracture sombre au centre d'une masse claire qui suggΦre un espace au-delα de sa surface, espace du dedans qui tendrait α ensevelir l'image. Par la dΘchirure de la couche de blanc qui risque de recouvrir le noir ou, inversement, le noir qui chasse le blanc ou qui l'aspire dans le vide qu'il a crΘΘ, est rΘintroduit un espace indΘterminΘ, flottant, informe, comme une sorte de nuage ou de ciel troublΘ de nuΘes. Pollock semble α nouveau se confronter au problΦme de la profondeur et de l'inscription d'une forme sur un fond, question qui revient pΘriodiquement tout au long de sa carriΦre, α chaque moment de crise et de faible production picturale, dont on connaεt le dΘnouement tragique.
C. S.
Extrait de La Collection du MusΘe national d'art moderne, sous la direction d'AgnΦs de la Beaumelle et Nadine Pouillon, Paris, Editions du Centre Georges Pompidou, 1986.
collection d'art moderne