:Science et Foi : T H E O L O G I E M O R A L E : " Une thique de la connaissance " : - Pens e scientifique et pens e religieuse - Ecrit par A.Bouchez - 1993 : Bibliographie - " Science et croyance " Jean Pierre Lonchamp Coll. "Petite encyclop die moderne du christianisme" Ed. Descl e de Brouwer - " Univers - Les th ories de la cosmologie contemporaine " Jacques Demaret Coll. "Science et conscience" Ed. Le Mail - " Vocabulaire de Th ologie Biblique " Ed. Cerf - " Les sources de la morale chr tienne " Servais Pinckaers, op. Ed. universitaires Fribourg Suisse du Cerf Paris - " Teilhard de Chardin " Claude Cu Coll. " crivains de toujours" Ed. Seuil : INTRODUCTION On a trop souvent oppos science et croyance. Il semble que la science et la Foi ont de tout temps antinomiques... L'affaire Galil e en est un vif repr sentant. De nombreux scientifiques contemporains (je me rappelle par exemple l'attitude de certains de mes professeurs de classes pr pa) en ont gard un douloureux a priori opposant l'Eglise et la communaut scientifique. Le fameux si cle des "Lumi res" a en effet retranch l'Eglise dans une attitude d fensive par rapport tout ce qui pouvait para tre novateur... Comment n'aurait-elle pas de m me condamn le scientisme du XIX me si cle, lorsque les scientifiques revendiquaient ouvertement la direction morale et spirituelle des soci Pourtant, il n'en a pas toujours ainsi. Comme nous allons le voir, les grecs liaient intimement la physique taphysique. Newton lui-m me tenta d' laborer une synth physique qui n' tait pas trang re aux pr occupations taphysiques de son poque... Sans compter les r cents bouleversements des conceptions d'espace, de temps, de mati d'univers, qui forcent les grands esprits scientifiques approcher "la pens e de Dieu", comme dit Stephen Hawking. Dans ces tumultes d'id es et de th ories souvent divergentes, l'attitude de tout chercheur scientifique para t rejoindre celle du chercheur de Dieu... Une nouvelle thique semble appara tre - thique de la recherche scientifique: Faut-il tout savoir ? Peut-on lier directement Foi et science ? A-t-on le droit de aliser tout ce que les th ories permettent ? Quelle autorit de chaque cat gorie scientifique par rapport aux autres ? Autant de questions d'actualit . Autant de r ponses difficiles. Mais lorsque l'intelligence est confront ces interrogations par rapport ses moyens d'investigation et aux objets qu'elle tudie, elle se questionne aussi elle m me. J'entend par l intelligence volutive, une intelligence en croissance, en maturation. Sur ce chemin, le Christ est la Lumi re. Convertir son intelligence, ouvrir sa volont la Volont du P re, m diter en son coeur ce que la raison per oit... Voil un programme bien ambitieux, qui s'applique toutes nos vies ! : I. L'HOMME ET LA CONNAISSANCE Je vais essayer d'ins rer ma r flexion dans toute la culture historique occidentale. L'Orient, en effet, est bien loin de ces probl mes tr s "illusoires". Mais il me semble important de discerner un visage de la v travers ces mill naires de mouvements du savoir, de multiples connaissances, de toute connaissance; travers les d tails fois si importants et si futiles; travers les oppositions de principe, de politique ou de sensibilit Il va de soi que je ne m'attache i i qu'aux faits directement en rapport avec notre vaste probl matique d'une thique de la connaissance. Rien ne sert de s'enliser dans les d raires ou pol miques. Seul tout ce qui pourra articuler la notion de connaissance retiendra mon attention. C'est au fur et mesure de l'histoire, tout au long de volution des groupes humains, que tout thique se pr cise. Les probl mes de bio thique ou de nucl aire, pour ne citer qu'eux, se posent aujourd'hui d'une fa on beaucoup plus dramatique que pendant l'antiquit ... les grecs n'avaient pas encore la possibilit d'user de ces "bienfaits technologiques" ! De la m on, la connaissance, de par son volution, a appr de fa on tr s vari e tout au long des si cles. Il me semblerait de plus impossible de traiter des applications actuelles de notre probl me, en occultant la vie et les avis de nos a s. La connaissance a , soit. Mais l'homme d'hier n'est pas si diff rent de l'homme d'aujourd'hui: il peut aussi absurde que g nial ! : 1. La Pr histoire et l'Orient Ancien : 1.1. Pr histoire Les conditions de vie de l'homme tait cette poque tr difficiles; la pr carit de celles-ci forcait les primitifs concentrer tous leurs dons la survie du clan et de leur personne. L'intelligence tait alors orient e vers tout ce qui est utile pour vivre. La sagesse de ces hommes consiste vivre en harmonie avec l'univers. Ainsi, les rites religieux tentent de se concilier les forces naturelles. En effet, les divinit s elles-m me restent des ments naturels r gulateurs (comme les astres), fantastiques (comme la puissance des volcans) ou f condateurs. La religion est donc, comme la science, utilitaire. La "technique" pr de la science et la religion: r ussir la chasse par l'observation des animaux, ou s'accorder une bonne r colte par des rites magiques semblent pour nos lointains anc tres l'unique n cessaire. Beaucoup de nos contemporains sont d'ailleurs demeur stade. La soci de consommation, en effet, privil gie l'aspect technique de toute connaissance: l'imm diate efficacit force l'homme lire un horoscope ou un livre de recettes de magie noire plut t que d'entamer une d marche r ellement spirituelle... Pourquoi chercher la difficult si tout doit se vivre dans l'instant ? Dans le m me ordre d'id es, il est int ressant de noter que le prix Nobel de chimie de l'ann e 1992 a un technicien des colles plut t qu' un chercheur en science fondamentale - donc directement inutile ! : 1.2. L'Orient ancien L'Egypte est l encore le berceau de la culture de l' poque. La trie fut en effet invent e pour r pondre des besoins de cadastre et de mesure des r coltes. La science prend alors davantage la forme de "recettes" de calcul d'une aire de terrain, ou de volumes de grain. De m me, les rites liturgiques et les visions des cycles des crues du Nil pouss rent les scribes tudier les astres... La science gyptienne appara t donc comme t empirique, soucieuse de pr cision plus que de m thode. Le domaine religieux lui aussi se cantonne une cr ativit dans le domaine des mythes. Ainsi, les origines de la terre sont illustr s par les crues du Nil: la Terre est surgie d'un chaos primordial liquide. Mais la cr ation se pr sente comme compr hensible pour l'esprit humain: les hommes sont en effet l'image du Dieu primordial et cr ateur - l'intelligence humaine participe donc la raison divine. Les Sum riens furent aussi de grands d couvreurs. Ils invent rent en effet l' criture, qui se propagea en Egypte puis jusqu'en Chine ! Au X me si cle avant notre Ere, les Ph niciens mirent au point l'alphabet. La taxonomie (science des listes) appara t aussi dans cette gion. Il faudra alors tout classer: animaux, v taux, tiers... tout s'ordonne en cat gories encore bauch es. A Babylone, l' criture des nombres permet une virtuosit arithm tique extraordinaire: ils d couvrirent ainsi des m thodes solution des quations du second degr Les mages et les devins - autorit s religieuses de cette civilisation - pr disent l'avenir grand renfort de connaissances astronomiques pr cises m de l'astrologie traditionnelle. La science des dieux - mythologie - faisait ainsi partie de la science globale des hommes de cette poque. Les Akkadiens furent quand eux grands producteurs de mythes. Selon eux, la naissance des dieux et d esses, ainsi que la ation des ments terrestres, proviennent d'un Chaos primitif. L'homme est alors cr partir d'un m lange d'argile de sang divin qui lui communique son esprit: les hommes ont pour mission de r aliser les t ches p nibles des dieux. Comme ces esclaves commencent devenir encombrants et bruyants, les dieux cident de s'en d barasser en provoquant un d luge... Dans toutes ces cultures, la science n'est pas issue de la seule technique, comme on le pr tend souvent. En effet, sous l'impulsion des religions, on va s'interresser peu peu connaissance plus gratuite. Le savoir ne sera plus utilitaire. Il ne restera pourtant encore que le reflet d'une r que le passe. : 1.3. L'Ancien Testament A la description des mythes Akkadiens, on s'aper diatement que la Bible en a repris la forme. Mais les juifs utilis rent cette culture au profit d'une th ologie (un message sur Dieu) radicalement neuve. En effet, dans la Bible, la connaissance engage tout l' Les h breux ne d ploient pas leur intelligence dans un contexte de science, mais dans un contexte de vie. Pour un s mite, "conna tre" ( "yd`" en h breux) d borde de l'abstrait et exprime une exp rience concr te. Le Vocabulaire de Th ologie Biblique indique que ces connaissances primordiales sont la souffrance (@Is 55,3@) et le p (@Sg 3,13@), la guerre (@Jg 3,1@) et la paix (@Is 59,8@), le bien et le mal (@Gn 2,9@ et @Gn 2,17@). "Conna tre quelqu'un, c'est entrer en relations personnelles avec lui", avec toute une gamme de sens: la solidarit familliale (@Dt 33,9@), les relations conjuguales (@Gn 4,1@ et @Lc 1,34@), couverte de YHWH par son Jugement (@Ez 12,15@) ou son Alliance (@Jr 31,34@), afin d'entrer peu peu dans Son intimit A l'inverse des autres civilisations de l'Orient ancien, les breux reconnaissent l'initiative pl re de YHWH dans la connaissance divine. Il s'agit du myst re de l' lection de ce peuple que YHWH conna t bien. @Gn 18,19 Am 3,2 Jr 1,5 Rm 8,29 1Co 13,12 Ex 33,17 Jn 10,3@ Peuple qui il r le son @Ex 3,14 20,18_21 Dt 4,32_39 11,2@ et ses commandements. @Dt 30,16@ @Ps 147,19_18@ La Bible renferme quantit de donn es scientifiques. Mais les breux se sont le plus souvent content d'utiliser ce qu'ils trouvaient a et l dans la culture ambiante. Les mythes de ation de la G se, les images po tiques des crits de Sagesse, les formes d'alliance et les genres litt raires (r alogie...) et m me les raisonnement philosophiques qui peuplent la Bible proviennent ainsi des mondes orientaux ou grecs avec lesquels ils ont pris contact. Mais une conviction enracine les sages d'Isra l: "YHWH a scrut la voie enti re de la connaissance" (@Ba 3,37@). Tout ce que l'on conna t (sagesse, commandements, intelligence) "vient du Seigneur" (@Si 1,1@). Mais YHWH reste au del de tout ce i: "quel homme, en effet, peut conna tre le dessein de Dieu ?" (@Sg 9,13@). Les h breux ne sont pas des physiciens ou des philosophes. Ils sont plut t des sages et des contemplatifs. Leur grande connaissance est orient e vers YHWH. Mieux vaut pour eux conna tre pr ment l'histoire de leur peuple, et y reconna la main de YHWH, plut t que de chercher ailleurs - donc dans des idoles - les solutions aux questions de la vie. L'auteur du livre de la sagesse n'affirme t-il pas: "S'ils ont capables d'acqu rir assez de science pour pouvoir scruter le monde, comment n'en ont-ils pas plus t couvert le Ma tre !" ( @Sg 1,1_9@ ) Cette th ologie sera reprise et "accomplie" enti rement par le Christ. Nous verrons plus tard comment... : 2. P riode grecque : 2.1. Les pr socratiques On place le berceau de la science au VI me si cle avant J Christ, en Ionie. C'est du moins la conception classique de cette nativit ... que l'on fixe donc sur une province grecque au bord de la mer Eg e. La date marque la fin de l'h monie culturelle et commerciale de l'Egypte et de la M sopotamie, dont la culture assimil e avec bonheur par les grecs de l' poque. Dans un climat de grande curiosit intellectuelle, les socratiques (savant d'avant Socrate) sont la fois philosophes et scientifiques: on parle de philosophie naturelle. Leur oeuvre conciste essentiellement en la d couverte d'une tournure d'esprit d bouchant sur une certaine m thodologie. mancipant de l'utilitarisme technique, et anoblissant le travail intellectuel face aux oeuvres, ces chercheurs de v prendront un grand go t pour la science "pure": les matiques. De m me ils s'attacheront donner des explications naturelles aux ph nes physiques, plut t que des explications mythologiques: pour Thal s, la foudre provient du vent qui fend les nuages, plut t que d'une col re de Zeus ! Il s'agit d'un grand pas dans la relation entre science et croyance: pour la premi re fois, l'investigation scientifique semble ne plus conna tre de fronti res... et elle s' mancipe de l'irrationnel, en s'y opposant syst matiquement. Cela restera malheureusement ancr dans l'esprit scientifique pendant tr longtemps, alors que les religions d sireront garder la main mise sur toutes les connaissances. Une illustration de ceci est Epicure. En effet, sa philosophie et sa morale du plaisir ainsi que ses conceptions atomistes (une cole fond e par Abd re et son disciple D mocrite qui composaient la mati re en particules ternelles et minuscules) soutenaient une vue mat rialiste de l'univers, o nulle place tait possible pour une me ou tout autre principe spirituel unificateur. Voil une vue que l'Eglise s'est appliqu truire bien videmment, sans d couvrir pour autant que la orie de D mocrite avait peu voir avec l'atomistique moderne, puisque pour les grecs il s'agissait d'une science purement culative, donc sans issue. D'o de nombreuses confusions et amalgames intellectuelles, et des condamnations h tives de part et d'autre de ces autorit Mais la m taphysique na t aussi chez les pr socratiques, qui l'utilise comme fondement plut t que la mythologie. Pour nide, par exemple, derri re l'apparence subsiste l' tre, qui se confond avec l'UN: la multiplicit n'est pour lui qu'illusion. Pour Pythagore, fondateur d'une secte politico-philosophique, tout est nombre. Il d terminera la gamme pythagoricienne couverte des intervalles musicaux), la "musique des sph (sa cosmologie dont le caract re cyclique est illustr par la musique), et des d couvertes math matiques fondamentalles, comme l'incommensurabilit de certains nombres (les racine carr Mais sa d rive vers la num rologie, et donc la magie pour combler les lacunes des hypoth ses, ainsi qu'un atomisme math matique qui explique toute la cr ation par la g trie et les "figures" font de sa pens e quelque chose d'ambigu et contestable par rapport au Mais ces d couvertes ne suscit rent pas que des enthousiasmes ! Les Sophistes d fendent une sorte de relativisme, une incapacit fonci re pour d couvrir la r profonde des choses, ce qui aboutit pour eux une v ritable n gation de la science. Socrate lui-m me (470-399) s'oppose aux Sophistes puisque son amour de la lutte contre leur scepticisme. Le grand philosophe prendra pourtant ses distances vis vis des math matiques, qui pour lui restent des techniques utilitaires. Aristophane, la fin du V cle, repr sentera dans ses com dies les savants comme de dangereux ath s, incapable de former de bons citoyens. La science s'opposait ainsi la bonne marche des philosophies politiques de poque. N'oublions pas que Socrate a pour avoir "corrompu la jeunesse" ! On voit ainsi l' mancipation progressive de la science par rapport la religion. Attaqu de tous c s, le savant de cette poque ne pouvait se permettre de compromettre les milieux religieux de la soci , qui taient si li s aux pouvoirs politiques. Les grands pr tres ne poss daient-ils pas en effet une place tr s importante dans la vie sociale de la Gr ce ? Peu peu isol e, la science (math matiques, physique et m taphysique) tentera de se frayer un chemin solitaire, il est vrai, mais au demeurant plus calme et stimulant. : 2.2. Platon et Aristote Voil les deux grands t nors de la philosophie "classique". Le tre et le disciple... qui d passera son initiateur ! Platon (427-347) tablira une th orie de type d ductif, fortement illustr e par le raisonnement g trique. Distinguant science et opinion, c'est dire connaissance certaine et id incertaine, sa science repose sur les Id es, qui constituent la fondamentale, quoique invisible et au del de la r Comme l'origine de ces id es est la contemplation des "divines es", le raisonnement lui semble ma tre du monde observ tangible n'est pour lui que l'ombre de la r scientifique: d daignant l'observation, il place au premier plan la sp culation philosophique. Il cultive ainsi l'utopie d'une matisation compl te de l'univers, o les sciences permettraient de d couvrir des lois de la nature, donc la pens divine par excellence. Voil un premier essai de main mise sur la religion. La physique, chez Platon, est intimement li la m taphysique. Comme Stephen Hawking - ou du moins l'interpr tation que l'on veut nous faire parvenir travers les m dia -, il serait possible d'atteindre travers des connaissances sp culatives la "pens e de Dieu"... joli r ve id aliste ! Mais l'influence de Platon reste norme sur notre monde, surtout dans la civilisation orientale. Aristote (384-322) exercera quand lui une grande influence sur la pens e occidentale, et plus particuli rement sur la pens vale chr tienne. Il fut disciple de Platon, mais s' loigne de ses th ories sur plusieurs points. Les Math matiques, pour Aristote, sont un outil "qu'on ne devrait cultiver qu'en vue du reste", et non un arch type de la connaissance. Les id es, quant elles, ont des points de d part empiriques, et non en nous: le disciple, l'inverse de son ma tre, accordera une place importante l'observation, donc aux mus es, aux classements... Enfin, il rejetera le dualisme entre le monde intelligible et le monde sensible: il n'existe pour lui qu'un seul monde deux gions, la c leste (immuable comme les astres) et la sublunaire (lieu des ments p rissables, comme l'air, l'eau, le feu). Il distinguera plusieurs types de connaissances, dont l'essemble s'appellera "philosophie". La philosophie premi re (ou ologie) traite de l'objet le plus minent (Dieu pour nous...); la philosophie seconde est la science des tres naturels, c'est dire des tres qui ont en eux-m me une me, un principe de mouvement; la philosophie derni re, ou "math matique". Cette triple distinction apparue fondamentale aux philosophes tiens. En effet, elle permettait de faire voluer PARALLELEMENT trois disciplines, dans un m me ensemble, sans les opposer, mais en les ordonnant chacune vers leur fin propre. La ologie appara t alors non pas comme une science englobant les autres, mais surtout comme une science "sup rieure", ou "premi re", puisque traitant de l' tre "sup rieur": Dieu lui-m me. Mais cette fois- i un Dieu r en son Fils J Christ. : 2.3. H nisme A partir du III me si cle avant J sus Christ, Alexandrie devint le foyer culturel pr rant de tout le monde civilis Euclide et Archim de (287-212) en sont deux illustrations. A la fois math maticien, physicien, et ing nieur, Archim de inventa la technologie - c'est dire l'heureuse combinaison des th ories et des applications pratiques qui en d coulent. Il s'agit donc d'une ce de retour l'"utile", apr s la liaison tr troite entre investigations scientifique et cadre m taphysique... Mais Galien (130-200) fut sans doute le plus grand m decin de l'Antiquit . Ses grandes d couvertes en anatomie et physiologie, nourries par de nombreuses exp riences, produisirent une oeuvre monumentale tout fait encyclop dique. Toutefois son oeuvre reste ins dans un finalisme d'origine aristot licienne, et surtout dans une syst matisation des "forces" ("pneuma") et des "humeurs"... ce qui le conduisit des erreurs, notamment propos du syst me circulatoire. Son oeuvre a toutefois exerc influence profonde durant tout le Moyen Age et au-del , aussi bien chez les Arabes que dans la chr tient . Cette accueil favorable peut s'expliquer par sa croyance en une providence exerc par un Etre supr me inifiniment sage et tout-puissant. Aristarque risqua un syst me astronomique h liocentrique. Il n'eut aucun succ s. Il ne ressucitera qu'avec Copernic 17 si plus tard... Ptol e (du II me si cle) fit autorit jusqu'au XVII me si son grand trait d'astronomie, l'Almageste. Son syst ocentrique constitua un paradigme que Copernic, Kepler, Galil eurent bien du mal remettre en cause. : 2.4. Un savoir absolu ? La seconde sophistique, n la fin du premier si cle apr sus Christ en Orient, poss de deux finalit s. D'abord renouer avec la premi re sophistique, c'est dire remettre en cause le fondement du savoir, pour aboutir une connaissance uniquement encyclop dique. Ensuite, redonner une identit culturelle l'Orient par le primat de la langue grecque. Dion Chrysostome, H rode Atticus, Pol mon, Aelius Aristide et Maxime furent les principaux repr sentant de ce mouvement qui tendit jusqu'en occident, avec Fronton et Favorinus d'Arles. Un mot central, "curiositas", caract rise cette conception. Toutefois, les P res s'y opposeront fortement. En effet, cette volont e d'enfermer sciences et philosophies dans la re de l'ordre de l'esprit refusait la priorit la charit Faire de la "curiositas" - mot apparu pour la premi re fois chez Cic ron - une v ritable valeur, c'est pour Saint Augustin (354-430) une forme de p puisque "Nous n'avons plus besoin de curiosit sus-Christ, ni de recherche apr s l'Evangile". Il en fait le p des astologues - astronomes et des magiciens, et surtout le sien: celui de l'Augustin d'avant sa conversion, amateur de th atre, d'astrologie... Il explique ceci dans le livre cinqui me des Confessions (IV 7) en utilisant l'image d'un arbre. "Celui qui sait poss der un arbre, et vous rendre gr ce pour l'usage qu'il en fait [...] n'a-t-il pas plus de m rite que celui qui en rel ve la mesure, qui en d nombre toutes les branches, mais qui ne sait ni der, ni conna tre, ni aimer celui qui l'a cr ?" Il termine en ces termes, propos de tous les calculs et sciences: "Malheureux celui qui, les conn t-ils toutes, ne vous conna pas; mais heureux celui qui vous conna me s'il les ignore !" Cette attitude de m fiance envers le "bavardage des grecs" appara t chez d'autres P res de l'Eglise, comme Cyrile d'Alexandrie. L' tude de la science risque en effet de d tourner l'homme de son objectif primordial: le salut. L'anti intellectualisme est courant chez les premiers moines; saint Antoine est ill et s'en vante. Basile de C e recommande de ne pas se livrer des "recherches indiscr tes". Les apologistes de l'obscurantisme trouvera des adeptes jusqu'au me si cle: Pierre Damien, que d'Ostie, consid re la science comme une activit moniaque... ce qui ne l'emp cha pas d' proclam saint et docteur de l'Eglise en 1821. De m me, Saint Bernard enjoint ses moines d' viter de faire appel au m decin, car son art n'est pas utile au salut de l' A c de cette tendance a toujours exist une consid ration positive de la science. Cl ment d'Alexandrie (mort en 215) repousse tout fid isme, et s'insurge contre la paresse intellectuelle. Origi ne (mort en 253) fait valoir que "l'origine de toute science remonte Dieu" et que la science nous aide mieux comprendre l'Ecriture. Athanase (mort en 373) assure que la contemplation de la nature ne peut que susciter un merveillement qui porte la louange du cr ateur. Selon Gr goire de Nazianze (mort en 370), "bien loin d' tre nuisible en soi, les tudes profanes nous aident trer plus avant dans la connaissance du divin auteur de la nature". Il nous faut toutefois revenir Augustin. En effet, celui- intervient dans le d bat avec le poids de toute son autorit n'est pas en effet si hostile aux science; il s'attache juste, en grand th ologien, les utiliser pour exprimer sa foi. Adoptant la conception lin aire du temps, il concilie la fois Platon et la culture juive de la r lation. Il n'h site pas illustrer ses consid rations sur l' me par des "d monstrations" emprunt la g trie; en cela, il utilise les m thodes platoniciennes. Il est, comme nous l'avons dit, en revanche hostile l'astronomie - poque encore trop li l'astrologie -, qui lui semble d'une "utilit presque nulle pour tude des saintes Ecritures... elle y met plut t l'obstacle". En ce qui concerne Bible et science, sa position est nette: il s'agit de reconsid rer l'interpr tation de l'Ecriture pour concilier v scientifique et v biblique. Rendre culture ce qui est la culture, et Dieu ce qui est Dieu ! : 3. Le Moyen Age : 3.1. Un r veil douloureux La p riode dite du Haut Moyen Age s' tend des invasions barbares du V me si cle jusqu'au X me si cle. Ce fut une poque bres, loin des grandes oeuvres grecques enfouies dans les monast re orientaux, o seuls quelques clercs cherchaient compulser les souvenirs de gr ce en un savoir encyclop dique: ce (mort en 525), B de le V rable (mort en 735), et enfin Jean Scot Erig ne (IX me si cle). Pour ce dernier, la raison est un don divin qu'on doit utiliser bon escient; elle permet par exemple de choisir entre les opinions multiples et parfois contradictoires des P res de l'Eglise. Il distingue les disciples, en orientant toute recherche vers la contemplation. Ainsi, le scientifique interpr te le "livre de la nature" avec la m me autorit celle des P res dans leur interpr tation de la Bible. Mais ces vues audacieuses n'eurent gu re d' cette poque. Peu peu, l'Europe des XI me et XII me si cles se r veille et couvre la fois la science grecque et la science arabe, d'innombrables traductions de l'arabe au latin. Le moine Gerbert (mort en 1003) red couvrit les chiffres arabes et l'astrolabe. Alphonse X, roi de Castille tait quand lui f d'astronomie, et r digea les "Tables alphonsines", encore utilis es au XVI me si : 3.2. La science th ologique Le pape Gerber - le pape de l'an mil - pr conise un juste quilibre entre foi et exercice de la raison. L'art du raisonnement juste (la dialectique d'Aristote) devient un outil pour la Foi. Saint Anselme (mort en 1109) l'utilise abondament. cole piscopale de Chartres aux XI me et XII me si s'enthousiasme de passer "des t bres de l'ignorance re de la science" (Pierre de Blois). Certains se mettent ver d'une th ologie construite sur le le des math matiques. Guillaume de Conches ne rappelle-t-il pas que "par la connaissance de la cr ation nous parvenons connaissance du Cr ateur", et ce ind pendamment des Ecritures et de la Tradition ? Certains exc s deviennent in vitables: on remet en cause, au nom de la raison, les grands myst res chr tiens comme la trinit ou l'eucharistie. Comment en effet concilier par la seule raison tude physique de la nature et sacrement ? Saint Anselme d noncera les limites du raisonnement lorsqu'il s'applique aux choses divines. Saint Bernard aura de la m on des pol miques violentes avec Ab lard (1079-1142), partisan intransigeant de la dialectique. "Le ma tre probl me de la grande poque scolastique, pos surgence aristot licienne, est celui du pouvoir de la raison. Il s'agit de savoir si, ce pouvoir une fois reconnu, il sera possible de limiter son exercice et de la maintenir dans issance de la foi." Voil la probl matique habilement pos par Georges Gusdorf. Nous sommes i i au coeur de notre sujet. Albert le Grand (mort en 1280) fut un grand admirateur d'Aristote qu'il contribua faire conna tre et compl ter par son immense rudition. Il fut le grand naturaliste du Moyen Age. Excellant dans l'art de la classification, il sugg l'utilisation de greffes pour cr er de nouvelles esp ces de plantes. Il reste toutefois parfaitement conscient des difficult poque, o de grands rationalistes (comme Averro s) opposaient foi et raison, dans un dualisme inconciliable. M me si tous taient pas aussi radicaux, l'esprit de l' poque tait encore fiance... Face cela, Saint Albert le Grand fit preuve d'un bel optimisme en proclamant que si th ologie et science profane sont strictement s es, les r sultats que chacun obtient pour une m me question ne peuvent que concorder en vertu du principe de l'unicit de la v . Sa solution de juxtaposition reste pourtant encore trop simple pour tre satisfaisante. : 3.3. Vers une synth Disciple d'Albert le Grand, Saint Thomas d'Aquin (1225-1274) entreprend la lourde t che d' laborer une synth se satisfaisante entre th ologie chr tienne et philosophie naturelle d'Aristote. Pour lui, la th ologie est une science, c'est dire un savoir. Il faut toutefois reconna tre aux lois naturelles leur r cifique, en vitant de sacraliser les forces de la nature. Il refuse de m me l'intervention tout propos de Dieu dans la marche du monde selon une conception na ve de la providence divine. A la suite de son ma tre, il croit sinc rement la convergence entre l'approche scientifique et l'approche th ologique de la . Sur des points de controverse, il utilise souvent de subtiles arguments: Aristote postule un monde ternel ? Thomas pondra dans la Somme "que le monde ait commenc est un objet de foi; ce n'est pas un objet de d monstration ou de science". Selon lui, si les preuves scientifiques sont "peu concluantes", aurant alors se rendre "aux arguments de la foi". Son coll gue franciscain Bonaventure, fid la th ologie traditionnelle tr s augustinienne, ne semble pas de son avis: pour lui, la science reste troitement subordonn ologie. Il r agit contre le rationalisme envahissant par un regard tr s mystique sur la nature. Il r dige "la grande condamnation" de 1277 prononc e par l' que de Paris, avec l'accord du pape: il s'agit d'un catalogue de 219 "ex crables erreurs" provenant d'Aristote ou de l' cole dominicaine de Paris. Une dizaine de ces s concernent Saint Thomas, d trois ans auparavant; ceci n'emp che pas sa canonisation en 1323 et sa proclamation de Docteur de l'Eglise ! Toutefois, la condamnation de 1277 reste un arch type de refus, de la part de la hierarchie catholique, la science d'acc sa propre v . Cette date marqua la fin de l' poque de la recherche d'une v ritable synth se th ologique. : 3.4. La rupture du nominalisme Tout au long du XIV me si cle se d veloppa une vaste entreprise molition de la philosophie aristot licienne, ce qui branla la grande synth se thomiste. L' cole d'Oxford, gr Duns Scot (mort en 1308) et Guillaume d'Occam (1295-1349) fut au centre de ce combat. Le premier joua un r le de pr curseur en difiant des barri entre la connaissance rationnelle et la connaissance r e. Le second fut le grand th oricien du nominalisme qui r gna dans toutes les universit s europ ennes jusqu' la fin du Moyen Age. Selon Occam, seuls existent r ellement les individus concrets et les objets singuliers; les termes g raux ("universaux") ne sont que le fruit de l'abstraction. Il s'agit donc de l'exact inverse du r alisme platonicienne: pour les nominalistes, la science s'identifie avec le langage formel, elle ne permet plus d'atteindre la v abstraite. La foi traite de v religieuses ind montrables: Dieu ne peut tre appr par voie monstrative. Ainsi, il est impossible de conna tre l'essence des choses: les disciples d'Occam s'attach rent montrer la relativit de toute v Ce relativisme teint de scepticisme n'est pas du go l'Eglise; en 1346, le pape Cl ment VI demande "d'oublier et de rejeter totalement ces doctrines [...] nuisibles et p rilleuses". Les autorit s eccl siales recommande l' tude d'une science pouvant tre mise au service de la foi et de l'Eglise: Aristote et Saint Thomas sont alors devenus les ma tres officiels de l'Eglise. se profilent l'horizon les futurs conflits entre une science qui se revendique autonome - orchestr puissament par le mouvement nominaliste -, et l'impressionnante machine scolastique. : 4. La Renaissance : 4.1. A l'aube d'une re nouvelle La red couverte de l'Antiquit co-latine, le d veloppement changes commerciaux, la d couverte de continents nouveaux engendr rent un lan d'ouverture sans pr dent. L'imprimerie, invent e par Gutemberg en 1440, permettra une rapide explosion des id es de cette poque; l'Eglise utilisa abondament de ce nouveau moyen de communication tout en s'effor ant d'en contr l'usage. Toutefois la culture de cette poque tait travers par une nouvelle anthropologie o l'homme prend la place centrale: l'humanisme. Toutefois, l'autorit de l'Eglise traverse une crise mement grave: le grand schisme entre papes d'Avignon et papes de Rome, ainsi que leurs r ves de guerre, financ s par les indulgences. De grands personnages, autant eccl siastiques (le moine dominicain Savonarole) qu'humanistes (Erasme), d noncent les turpidudes de la cour pontificale. Les nombreux conciles de cette poque semblent impuissant pour juguler ces exc Luther afficha Wittenberg ses 95 th ses contre les indulgences, en 1517, ann e du Concile de Latran V. Ce fut le but de la R forme protestante. Les papes furent toutefois de grands m nes. La biblioth Vaticane, fond e vers 1450, s'ouvrait avec int la science. on X fonde en 1513 l'universit de Rome. Cl ment VII s'accommode fort bien (en 1533) de la th orie r volutionnaire de Copernic. Paul III assiste de nombreux astronomes et m decins, parmi eux des juifs. Dans ce climat, la philosophie d'Aristote subit une s rieuse clipse... l'occamisme n'est pas encore mort. Ainsi, Louis XI en 1473 est oblig de rappeller qu'Aristote reste au programme des facult s des arts ! Cette faste p riode de profonde complicit entre la science et l'Eglise pris fin avec le Concile de Trente (1545-1563) et la Contre-R forme. Une grande remise en ordre de l'Eglise s'imposait, autant sur le plan dogmatique que pastoral. Ce qui fut fait par l'inquisition romaine (1543), le Saint-Office, la congr gation de l'Index (1571) et surtout la Compagnie de J (fond e par Saint Ignace de Loyola en 1540). : 4.2. Une r volution scientifique Mais l'intransigeance doctrinale de l'Eglise contribua faire fleurir des sp culations mystico-spiritualistes totalement irrationnelles. Les crits herm tiques, attribu s au personnage mythique d'Herm s, refirent surface pendant la seconde moiti me si cle: m lant mysticisme aux sciences occultes (astrologie, alchimie, num rologie, magie), teint gnosticisme, ces th ories syncr tiques eurent une grande influence chez Giordano Bruno et Nicolas Copernic. De m me, le bre astrologue Nostradamus (mort en 1566), favori de Catherine de M dicis, devint ensuite le m decin de Charles IX ! La cosmologie tenta peu peu de s' manciper d'Aristote. Nicolas de C es (1401-1464), administrateur des Etats pontificaux, fut un grand philosophe et m taphysicien. Il expose dans son ouvrage central "De la docte ignorance" ses th ories admirables d'intuitions fulgurantes; son sens de l'anticipation est v ritablement unique dans l'histoire des sciences. M me s'il ne fut pas suivi par la hi rarchie eccl siale et la communaut la br che qu'il ouvrit permi d'autres savants de faire de prodigieuses d couvertes. En voi i deux dignes repr sentants: Copernic et Bruno. Nicolas Copernic (1473-1543), conscient des faiblesses du me de Ptol e encore en vigueur, construisit un mod matique partir de l'hypoth liocentrique, permettant de calculer les mouvements de plan tes. Toutefois cela s'opposait la physique d'Aristote: la Terre aurait alors besoin d'un moteur extraordinairement puissant; la rotation de la plan engendrerait une force centrifuge norme, et, terme, clatement de la planette; la chute des corps ne serait pas droite; enfin le frottement de l'atmosph re sur la Terre en rotation provoquerait un v ritable ouragan. L'h liocentrisme s'opposait aussi de nombreuses convictions th ologiques (l'homme n'est-t-il pas au centre de l'univers ?) et bibliques (le mobilit du soleil est affirm @Jos 10,12_13 Jb 9,7 et Ps 104,5@ Ce fut du c des protestants que fus rent les premi sapprobation. Luther s'exclama avec violence: "Ce fou qui tend bouleverser toute l'astronomie ! Mais comme le d clare l'Ecriture, c'est au Soleil et non la Terre que Josu a donn l'ordre de s'arr ter." Calvin, Melanchton lui emboit rent le pas. Du c catholique, les extravagances de Bruno montr rent les dangers que pouvait faire courir la foi un copernicianisme mal compris. Pourtant, le cardinal j suite Bellarmin fit savoir qu'il n'y avait pas lieu de s'inqui ter, puisque ces th ories "doivent s'entendre comme des constructions aptes crire les apparences". Son attitude consiste ainsi recommander aux scientifiques de parler par hypoth se ("ex suppositione") tant qu'ils ne peuvent apporter des preuves formelles: c'est ce qu'Emmanuel Kant appellera la "r volution copernicienne". Giordano Bruno (1548-1600) fut v plus tard comme un martyr de la science, victime de l'obscurantisme religieux. Il semble toutefois ne pas avoir vraiment un homme de science: ses analyses de Copernic fourmilles d'incompr hensions fon Bruno est avant tout un philosophe vautr dans l'herm tisme. Selon lui, un Dieu infini ne pouvait que cr er un univers infini. Comme deux infinis ne peuvent coexister, il affirme que Dieu se confond avec le monde et se cache au sein de la nature, dans les atomes m me ! Il refutera en bloc, au nom de sa th orie, le p originel, le d luge, la virginit de Marie, la divinit Christ, les dogmes de l'Eucharistie et de la Trinit . Il d avec maintes pol miques bouillonnantes sa "religion cosmique", qui n'est pas sans rapeller le New Age et les gnoses. En 1591, son comportement choque un de ses protecteurs, qui le nonce l'Inquisition. Son proc s, dont le procureur n'est autre que l'aust re Cardinal Bellarmin, s' tale sur 7 ann es. Ce n'est pas pour son adh sion aux th ories de Copernic qu'il est comdamn au b cher Rome. Un t moin oculaire de la sc rapporte en effet: "Comme on lui montrait l'image du Christ, il l'a repouss e avec d dain et d'un air farouche." : 4.3. Bilan Le cas de Bruno illustre clairement la position de l'Eglise de cette poque. Les conflits entre science et religion ne prirent que rarement une tournure dramatique. C' tait avant tout pour les positions d'ath isme virulents de certains savants que l'Inquisition jugeait: on s'en tirait la plupart du temps avec une amende ou un p lerinage ! Elle critiquait avant tout les scientifiques qui, comme Bruno, niaient la foi cause de leurs raisonnements. De plus, l'Eglise ne condamnait des hypoth ses scientifiques - et non pas des savants - que pour des raisons th ologiques. En effet, apr s quelques h sitations, l'aristot lisme fut sa science quasi officielle: la distinction entre "substance" et "accident" permettait l'Eglise de donner un support scientifique dogme de la transsubstantiation eucharistique, solennellement affirm par le Concile de Trente en 1551. Toucher la physique d'Aristote (comme la th orie atomiste qui postulait l'existence du vide) tait ainsi ressenti par l'Eglise comme une attaque du dogme eucharistique. Il s'en suivit ce que J.P. Longchamp appelle "un regrettable divorce et le repli frileux de l'Eglise l'int rieur d'une forteresse intellectuelle dont elle aura beaucoup de mal s'extraire". : 5. L' rance scientifique : 5.1. L'essor scientifique du XVII me si La math matisation des sciences physiques devient enfin . L'observation, l'exp rimentation et l'instrumentation se veloppent prodigieusement: on passe du qualitatif au quantitatif, repoussant les limites du monde observable. Le XVII me si cle fut avant tout le si cle de la nouvelle astronomie et de la nouvelle m canique. La philosophie et la ologie sont n anmoins loin d' tre absentes du d scientifique et l'Eglise se signale par un proc s retentissant dont la valeur symbolique reste encore consid rable: l'affaire Galil Galil e (1564-1642) entame tr t ses recherches d'astronomie, tenant le syt me de Copernic "pour beaucoup plus probable que celui d'Aristote et de Ptol e". Il eut pour objectif de faire triompher l'h liocentrisme. Multipliant les observations, il d couvrit les satellites de Jupiter, les t ches solaires et mis en vidence les phases de nus. Tout ceci s'interpr tait fort ais ment l'aide du syst de Copernic, sans pour autant constituer une preuve formelle. Kepler (1571-1630) s'orient d'abord vers la th ologie protestante (il est allemand) qu'il abandonne pour sa nouvelle passion: l'astronomie. Au milieu de son attachement au syst me de Copernic, il r la fa on des Pythagoriciens, d'une synth mystico-math matique. Son Dieu est le grand architecte qui a construit un monde harmonien et totalement intelligible. Apr une rencontre avec le c bre astronome Tycho-Brah , il arrive la conclusion que la plan te Mars tourne autours du soleil sur une trajectoire elliptique dont l'astre de lumi re occupe un foyer. Ce r sultat, valable pour l'ensemble des plan constitue les deux premi res lois de Kepler publi es en 1609. Toutefois cela rompait de fa volutionnaire avec le dogme grec de la circularit du mouvement des astres. Sa troisi me loi (publi e en 1621) permettait le calcul des p riodes de r volution des plan Kepler joua un r terminant dans l'histoire de l'astronomie, m me si Galil e l'emporta par ses talents raires et de pol miste. Autant Copernic avait quelqu'un de prudent, autant Galil sut d fendre et vulgariser l'h liocentrisme avec brio: avec la Contre-R forme, les temps avaient chang ! Le voi i devenu - lui un astronome - porte parole des nouveaux philosophes, qui voyaient avec d lectation les "fun railles" de la "pseudo-philosophie" d'Aristote. Le cardinal Bellarmin, face ces exc s, le conjure en 1615 de s'en tenir une explication "ex suppositione" . En effet, les preuves de l'hypoth se copernicienne n'existent pas encore. Mais la suite d'une d nonciation, la Congr gation g rale de l'Inquisition comdamne et met l'index le "De revolutionibus de Copernic": le Saint Office s' rige alors en juge d'un r sultat scientifique. En 1632, Galil e publia "Le dialogue", la demande d'Urbain VIII. Mais, contrairement aux recommendations du pape, il prend ostensiblement parti pour la th se de Copernic. A la fin du s, Galil e plaide coupable et abjure ses erreurs... la gende lui fait ajouter "Et pourtant... elle tourne !" Il est assign sidence, et pourra continuer ses travaux sur la nouvelle m canique. Apr s cet nement, le foss semble d finitivement creus entre l'Eglise et la Science. Un climat malsain, peupl crainte et d'hypocrisie, se r pend dans le milieu scientifique: certaints auteurs, pour sauvegarder leur "tranquilit pratiquent une v ritable autocensure. L'affaire Galil e reste toutefois une "bavure" extr mement embarassante pour les catholiques. Jean Paul II, le 10 novembre 1979, reconna t que Galil e "eut beaucoup souffrir de la part d'hommes et d'organismes de l'Eglise". : 5.2. Le XVII me si Les ouvrages de vulgarisation commen abonder (en langue autre que le latin), la population connait un int t croissant pour les questions scientifiques. La bonne soci se tient l'aff t des derni res d couvertes; de nombreux clercs s'efforce avec enthousiasme d' laborer une synth se entre science m caniste et foi chr tienne. L'Encyclop die tente de r unir, dans une vulgarisation tonnante, la totalit du savoir de l' poque, autant scientifique que philosophique, allant jusqu' mentionner des hypoth ses qui ne cadrent pas avec les positions de l'Eglise: cela suffit pour la porter l'Index en 1758. Geste sans nuance, qui fut interpr comme une preuve d'obscurantisme. Descartes (1596-1650) marqua toute son poque moins par sa physique, mise mal par les travaux de Newton (1642-1727), que par sa m thodologie. L'attitude des clercs son gard fut incoh rente: mise l'Index en 1663, sa th orie fut r habilit par les j suites vers la fin des ann es quatre-vingt. Mais le sianisme favorisa un rationalisme supr me, influen grandement toute le mouvement des Lumi res, comme l'irlandais Toland avec son ouvrage "Christianisme sans myst re". La raison doit r gner aussi bien sur la science que sur l'Ecriture Sainte. Beaucoup d'encyclop diques, comme d'Alembert ou Maupertuis, effleurent la possibilit lever par la raison l'homme auteur divin, le "grand architecte" ou "grand horloger". Le baron d'Holbach, pr curseur de l'ath isme militant du XIX me si niera purement et simplement l'existence du spirituel: plus de place pour Dieu et pour les mes sur un monde rationnel ! Dehors, les vieilles sorci res et leur antiques balais grecs ! Chez certains savants, le doute m thodique de Descartes tend se transformer en doute syst matique. Mais cette mutation sera limit e de fa on nette par Emmanuel Kant dans "Critique de la raison pure" (1781): halte l'omnipotence na ve de la raison ! Face la complexit la confusion de cette poque, quelles furent les r actions de l'Eglise catholique ? Elle maintient pour principe que Dieu, cr ateur, contr le nature; la th ologie se doit donc de contr ler le savant tudiant la nature, que ce dernier soit clerc ou non... d'o de nombreuses condamnations, mises l'Index des livres prohib s, mesures souvent appuy es par les gouvernements soucieux d'ordre social. L'Eglise n'appara t toutefois absolument pas monolithique. Certains clercs se barricadent derri res leurs certitudes et anath matisent tour de bras; d'autres osent vouloir tirer profit de la science pour conforter leur croyance. Ces nouveaux apologistes sombrent parfois dans l'optimisme le plus aveugle: de nombreuses d monstrations math matiques avaient cet poque pour objet de d montrer les v s chr tiennes ! La tol rance n'est anmoins pas ce qui caract rise l'Eglise de ce temps. Trop de choses sont en jeux; trop d'individus condamnent le christianisme l'aide de la raison pure; trop d'ignorants membres de l'Eglise truisent all grement tout progr s scientifique; trop de beaux esprits d sirent expliquer la Bible selon leurs id es, d daignant toute tradition... on voit que l'Eglise h site sur l'attitude adopter envers la science. Une science qui s' carte de plus en plus des donn es culturelles bibliques et nous montre vidence un monde qui fonctionne, selon ses lois propres et sans que Dieu s'en m le. Que r pond l'Eglise ceux qui r clament gitime autonomie de la science ? Elle ne prend position que lorsque les choses se seront beaucoup d : 5.3. Le XIX me si L'explosion du savoir scientifique. Certains savants connaissent la gloire par leurs d couvertes. En effet, des applications technologiques r volutionnent la vie quotidienne des populations: l'industrie, l' lectricit chaleur, la TSF, la synth se chimique... Des d veloppements fulgurants apparaissent, dans une euphorie g rale, autant au niveau th orique que pratique. Les sciences naturelles voluent aussi grande vitesse: la ontologie avec Cuvier (mort en 1838), la physiologie gr Claude Bernard, la virologie par les d couvertes de Louis Pasteur. Mais la zoologie et les essais d'explication de volution des esp ces bousculent litt ralement les conceptions bibliques de la cr ation... donc les fondements th ologiques de Dieu, selon la mentalit de l' poque. Lamark postule en 1809 que les esp voluent en fonction des variations de leur milieu, et par l'utilit respective de leurs organes, postulant l'h des "caract res acquis". Darwin, dans l'"Origine des esp ces" (1859), transposa l'observation sociale de Malthus - les populations se d placent pour suivre la nourriture - en son fameux principe de lutte pour la vie. Un tri, appel lection naturelle, serait le vrai moteur de l' volution. L'homme ne serait pas n spontan ment dans un jardin; des fossiles humains r cemment d couverts (en 1856) n'affirmaient-ils pas en effet l'existence d'une esp ce interm diaire entre les simiens sup rieurs et l'homme ? De plus, une radicalisation de la "science positive" du XVIII me si cle entraina la d rive du positivisme. Auguste Comte (1798-1857) forgea sa c bre loi des trois tats: ologique, m taphysique, positif... on voit o sus Christ tait rel tat de primitif par rapport aux splendeurs du monde positif. Ernest Renan (1823-1892) et Marcelin Berthelot (1826-1907) furent les portes paroles z s et influents de l'autorit supr me de la science, pour fonder les v "vitales" de toute l'humanit : le prog s comme aboutissement de toute la destin e humaine, technocratie, donc "une science qui clame aujourd'hui la direction mat rielle, intellectuelle et morale des soci s" (Berthelot). L'ath isme anthropologique de Feueurbach (1840), l'ath sociopolitique de Marx et l'ath isme n gation de Nietzsche furent l'apoth ose de cette poque. L'Eglise assiste avec consternation et angoisse cette monstrueuse mutation du monde, et se comporte en citadelle e, encore nostalgique des id aux de chr tient . Elle op ainsi une opposition radicale entre "vraie science" (celle dont les r sultats concordent avec le dogme et la Bible interpr ralement) et la "fausse science" (dont le Darwinisme et le positivisme). Le concile de Cologne, ainsi que la constitution "Dei filius" du concile Vatican I, affirmeront que foi et raison ne peuvent jamais tre en d saccord. L'Eglise, d tenante de la foi - d'un ordre sup rieur la science - , a le devoir de proscrire la "fausse science": il s'agit non pas de critiquer la science en elle-m me, mais de refuser les erreurs oppos es ou troublantes pour la foi. : 6. Que nous montre l'histoire ? Le temps est venu pour nous de syst matiser quelque peu toutes ces r flexions. Cherchons un mod le - forc ment incomplet - qui rendrait compte de l' volution des rapports entre l'homme et la connaissance. : 6.1. Une opposition... Il para t clair que ce probl me se posait surtout dans des principes antagonistes: dans l'antiquit technique <-> merveilleux <= philosophie chez les grecs raison <-> mythologie <= le Christ au Moyen Age raison <-> foi <= retour gnose la Renaissance isme <-> foi <= pouvoirs Eglise jusqu'au XX me science <-> Eglise Ce petit tableau met aussi en vidence les ments ext rieurs (philosophie, le Christ...) qui, de conflit en conflit, aient le probl me. Il appara t que ces ments doivent tre jou s avec beaucoup d'autres harmoniques: la politique, le niveau de vie, les techniques, les sciences, les guerres, les civilisations... Tout est tr Mais au niveau de la connaissance, deux principes semblent vraiment merger, sinon s'opposer. Deux positions assez nettes pour qu'elles puissent s'exprimer. La premi re consiste en une connaissance dite scientifique ou "positive". Elle est le fruit exclusif de la raison et des moyens humains d'investigation ou de sp culation, moyens qu'elle contribue elle-m faire voluer. La seconde n'a pas le m me objet de connaissance. Elle n'est pas r flexive, puisqu'elle doit s'ouvrir une "transcendance". Nous l'appellerons donc th ologie, ou connaissance "transcendante". Son objet est soit la transcendance elle-m soit les implications de l'existence de cette transcendance. On peut alors distinguer en son sein la th ologie morale: celle qui s'occupe de l'agir humain, la lumi re de la transcendance. : 6.2. ... assum e par la th ologie Il m'appara t maintenant utile de pr ciser que notre est elle-m me un essai de th ologie morale. Notre probl me est en effet celui de l' thique de la connaissance. Une connaissance qui, comme nous venons de le voir, a suivi bien des vicissitudes historiques, opposant ou subordonnant science et th ologie. Or, la science seule ne peut pas (et ne veut pas) appr hender ce qui est de l'ordre th ologique. Passer du stade objectif au stade du "Tout Autre" lui semble une erreur impardonnable. Mais en s'ouvrant la transcendance, on passe au stade th ologique, qui assume le stade objectif. En nous pla ant dans une optique th ologique, on voit que cette opposition dispara t. Au du moins, la th ologie accepte la science, sans confusion, opposition ou subordination. Son objet tant transcendant, elle d passe ce que l'homme par lui-m me peut hender. las ! Les horreurs de l'histoire ont cultiv leur opposition. Par des sommes de malentendus et de mauvaise foi (souvent autant des th ologiens que de la part des scientifiques), envenim s par les ph nes sociaux, culturels et politiques, les autorit s des connaissances se sont peu peu m chacune revendiquant sa responsabilit dans un domaine exclusif une autre. Apr s avoir d broussaill l'histoire, et purifi notre m moire de bien des clich s, l'homme ne semble pas avoir une seule connaissance. Mais DES connaissances, avec pour chacune son objet et son autorit propre. L' thique de LA connaissance consiste alors ciser les domaines d'activit de chacune DES connaissances. La connaissance scientifique, par exemple, cherche constamment l'objectivit . Tandis que la pens e religieuse poss de une fonction symbolique: elle lit un sens, une r tout autre dans une vie... elle pourra d couvrir ce qui est la finalit chaque acte, de mani re invisible mais pourtant bien r elle. : II. CONNAITRE LES CONNAISSANCES On ne peut r pondre toutes les questions que les distinctions entre les connaissances soul vent. Quelques unes ont pourtant une importance particuli re, surtout notre poque. : 1. Comment fonder une thique ? Voil une question tout a fait d'actualit Mais pour tre pos e de fa on satisfaisante, il faudrait s'attacher tudier les objets et m thodes de la connaissance positive, de type scientifique, et de la connaissance morale, plus sp cificitement port tude des actes. Comment articuler les deux pour fonder une thique ? Cette articulation consiste en l'action la plus fondamentale de toute thique de la connaissance. Elle permettra en effet de pondre la question: comment fonder une thique de la connaissance ? : 1.1. Connaissance positive et connaissance morale La d nomination classique, d formul e par Aristote, est assez habile. D'une part, les sciences, en g ral, ont pour but de saisir la v , et d'organiser une th orie du savoir au fur et mesure des progr s de la connaissance. D'autre part, la morale est aussi une connaissance. Mais elle consiste produire, de fa on directive ou normative, une oeuvre: l'action humaine. Cette distinction reste parfaitement valable. Mais, comme nous venons de le voir, le d veloppement des sciences depuis le rable Aristote a modifi profond ment l'id e de "science". Celle- i n'est plus l'oeuvre de la seule raison: de nombreux progr s autant au niveau de la recherche (techniques d'observation, investigation du microscopique et du cosmos...), que de la pratique (technologies nouvelles, niveau de vie, politique de plus en plus rationnelle...) modifient l'enjeu de la connaissance. Je vais maintenant utiliser Servais Pinckears, qui r alise une ressante th orie sur la connaissance. Il choisit de distinguer, dans l'optique de red couvrir les "sources de la morale chr tienne", entre la morale et les sciences humaines. Mais cela peut aussi s' tendre sans difficult notre probl me. Il pr cise en effet son objectif: "nous remonterons jusqu' la m thode qui caract rise et d termine ces deux esp ces de savoir". CONNAISSANCE MORALE CONNAISSANCE POSITIVE Origine de la connaissance de l'acte INTERIORITE OBSERVATION EXTERIEURE Selon sa responsabilit Selon la simultan et son intention et la succession des faits Rapport entre la connaissance et l'acte DYNAMIQUE et ENGAGE STATIQUE et NEUTRE Jugement pratique. Jugement objectif. Intervient sur l'acte de Puret de l'observation: ni on normative ou directive. direction, ni norme. Porte sur l'acte A FAIRE. Porte sur l'acte comme FAIT. Rapport entre la connaissance et la personne PERSONNELLE A-PERSONNELLE Personne = cause et fin de Personne = ni e au l'action. profit de l'abstraction. Objectivit TRANS-SUBJECTIVE A-SUBJECTIVE porte sur le sujet, porte sur le fait, qui qualifie l'action. qui est oppos au sujet. Orient vers le bien. Sans orientation: froideur. Universalit CONCRETE et INTERPERSONNELLE ABSTRAITE et A-PERSONNELLE : 1.2. Articuler la science et la morale Le tableau pr dent reste tr s sch matique. Enferm dans deux gories, science et morale ne semblet pas faire bon m nage... Mais n'oublions pas qu'il ne s'agit que d'une illustration, une matisation de r s qui se compl tent l'une l'autre. En effet, m me si elles s'opposent dans leur fa d'appr hender l'homme et son agir, elles ne sont pas contraire. Leurs m thodes et leurs points de vue sp cifiques permettent ainsi une collaboration fructueuse. Une bouteille de vin n'est pas un tire-bouchon. Mais l'homme a besoin des deux la fois pour se r jouir le coeur... Voyons donc comment nous r jouir de union de la morale et de la science ! Les sciences humaines ont souvent besoin de la science morale pour d passer la face visible de l'homme. Avez-vous d entendu un statisticien parler d'amour ? C'est tout fait affreux. On se croierait retourn ge de pierre. De la m me fa on, les sciences humaines, et plus forte raison les sciences physiques ou biologiques sont incapable de nous instruire sur des sujets aussi fondamentaux que l'amour, la haine, la v , le devoir, la foi, le choix libre, la r action la souffrance et au mal... De la m me fa on, n'essayez pas de faire abstraction de la culture du pays dans lequel vous voyagez: ne laissez pas, par exemple, une dame se promener en mini jupe dans une ville peupl de redoutables int gristes musulmans ! De nombreux facteurs d'origine sociale, psychologique, historique, ou culturel doivent ainsi entrer en consid ration dans un jugement moral. Ainsi, ces deux esp ces de v , si on sait discerner l'exacte port e de chacune, ne se contredisent ni s'excluent. Il faut tout prix emp cher que l'une ne pr tende absorber l'autre ou l' carter. Ne pas laisser l' thique aux mains des moralistes moralisateurs ou aux gants blancs des vampires des laboratoires tique... : 2. Les sciences qui se d passent Les acquisitions principales de la science du XX me si renouvellent incontestablement notre vision de la science et du monde. Elles permettent de mieux poser certains probl majeurs, comme la complexit , la r , la rationalit Elles peuvent ordonner l'intelligence s'ouvrir transcendance, au Christ, lumi re des nations. : 2.1. Du d sordre la complexit La notion d'ordre, d'origine religieuse, est premi re: l'ordre dans le monde est - selon une logique toute platonicienne - le reflet de la raison divine. Le po siode (VII me si cle avant sus Christ), comme la Bible en @Gn 1@ font pr der cet ordre, fruit de la cr ation, par le chaos - ou tohu-bohu. Tout se passe comme si Dieu choisissait volontairement de suivre les voies les plus simples... les voies les plus belles... les voies les plus vraies... Cette "religion cosmique" repose en fait sur un id al platonicien mythique. Albert Einstein voyait ainsi dans l'intelligibilit du monde la traduction de son id de Dieu. Mais la d couverte moderne d'un d sordre omnipr sent oblige s'interroger sur les bases de la science - et par extension - de toute connaissance. Une premi re approche per oit le d sordre comme une offense, un manque, une menace angoissante pour la science elle-m me qui est par essence qu te de l'ordre. Pour vaincre cela, on affirme vement que le d sordre n'est qu'apparent, et que derri re se cache un ordre parfaitement ordonn e, et intelligible par des thodes encore inconnues... Cela a donn beaucoup de succ toutes les formes de pr diction (astrologie, num rologie, morphopsychologie...), m me si cela doit tre aux d pens de notre libert Une seconde vision plus positive con oit ordre et d sordre, hasard et n cessit , chaos et d terminisme, observation et pendance comme indissolublement li s car compl mentaires: c'est ce que d'aucun appellent la complexit Par exemple, c'est partir du chaos originel, d'un plasma pratiquement identique que des particules mentaires lectrons, neutrons et protons) purent se former. Simultan ment, les chocs entre particules tendaient s'auto-organiser: c'est dire que si l'organisation est g ration d'ordre, elle g re en me temps du d sordre, sous une autre forme. Ce principe caract rise un syst me dit "ouvert", capable d'obtenir des "qualit mergentes", donc une vie, elle-m me ins parable de la mort. H raclite ne disait-il pas: "Vivre de mort et mourir de vie". De plus, ces processus sont qualifi s de "r cursifs", c'est- -dire qu' la mani re d'une d monstration math matique du me nom, ils s'auto-engendrent, ils s'auto-contiennent, ils s'auto-conditionnent. On peut dire, comme E. Morin dans "Science avec conscience" (Ed. Seuil): "le monde est dans notre esprit lequel est dans notre monde. [...] Le monde que nous connaissons n'est pas le monde sans nous, c'est le monde avec nous. D'o paradoxe fondamental: notre monde fait partie de notre vision du monde laquelle fait partie de notre monde." Voil qui contraste tonnamment avec la d finition pr dente - somme toute classique - de la connaissance positive. La science sienne qui consiste couper" la r en syst limit s suppose en effet qu'il est possible de n gliger l'influence de l'environnement sur le syst me. Que dire alors, lorsque l'on veut enfermer la m orologie dans quelques formules matiques ? On a d montr que cela tait impossible: tout me chaotique (c'est dire dont une infime modification des conditions initiales entra ne une totale variation du r sultat) ne peut tre ramen un ensemble d terministes de sous-syst D'une fa on parall le, l'al atoire intervient de plus en plus dans les tudes scientifiques. L'av nement de la m canique quantique fait entrer la physique dans l'aire des probabilit avec tout le cort ge de paradoxes que cela entra ne, autant au niveau m taphysique que physique ! Complexit et ind terminisme sont indissociables dans la science actuelle. L'id e d'un Dieu la fois un et totalement pr sent dans chacune des trois "personnes" de la Trinit s'inscit d'ailleurs parfaitement dans ce cadre. : 2.2. La r bouscul Une nouvelle vision de la r voit le jour, travers les multiples th ories de la physique th orique. Une r s'oppose l'objectivit de la connaissance positive, comme elle est pr e en 1.1. Les ph nes apparaissent de plus en plus comme CONSTRUITS par l'op rateur: les objets ne prennent sens qu' travers le filtre de l'exp rience humaine. L'op rateur influe en effet sur l'exp rience elle-m me, de fa on in vitable. Le r el n'est plus positivement apr hendable. On atteint alors les limites de la science positive. Certains scientifiques, comme Bernard d'Espagnat, distingue empirique (l'ensemble des ph nes d terministes) et pendante (qui forme un ensemble ni explorable ni descriptible). Cette derni laisserait des traces visibles, des ombres, dans notre monde empirique. Ceci ne reste qu'un postulat - donc non d montrable -, mais qui s'accorde de on particuli rement satisfaisante tous les enseignements de canique quantique. La science va donc s'introduire dans un domaine qui franchit les limites de l'observation. Spinoza apellait cette r "Dieu". Kant distinguait r sensible et r "objet de l'entendement"... La science s'introduit dans la m taphysique ! : 2.3. L'irr versibilit du temps Au niveau de l'exp rience de tous les jours, les quations de physique (comme celles de Newton ou Kepler) sont tout fait versibles. Remplacez "t" par "-t", et vous pourrez remonter dans le temps. las, cela n'est plus possible au niveau microscopique: la formation des particules mentaires n cessitent un temps orient de fa on unique. Il devient impossible d'inverser le temps... adieu les r ves de voyage dans le temps ! Cela a toutefois l'avantage de contredire les savants qui utilisaient le principe de la r versibilit du temps, pour combattre la conception jud o-chr tienne du temps, donc de l'Alliance, et du Salut en J sus Christ. : 2.4. Le principe anthropique La cosmologie relativiste permet d' tudier la naissance ventuelle de l'Univers et son volution. Elle se contente d' rent et compatible avec l'ensemble des donn es d'observation. Mais des questions telles que "Pourquoi l'Univers est-il cr ou "Pourquoi est-il comme il est ?" sont du ressort de la taphysique. Le premier argument cosmologique de type anthropique (qui tend baser son processus explicatif sur la pr sence de l'homme dans l'univers) est d Dicke (Nature, 192, 1961). Il note la disproportion vertigineuse entre l' chelle humaine et l' chelle cosmique: 10 ^ 25... et cela correspond - par un truchement quations - un Univers d'un ge de l'ordre de dix milliards d'ann es, date partir de laquelle la vie pouvait appara tre sur une plan te. Dicke en conlue que cette constante de 10 ^ 25 est caract ristique de tout Univers habit par des tres vivants. Cet argument est, selon la formulation de B. Carter, un principe anthropique "faible". La forme forte du Principe Anthropique est plus g rale et plus sp culative: elle stipule que l'Univers tout entier doit tre adapt l'apparition d'observateurs. La cr ation de la vie serait donc la condition de la cr ation de l'Univers. Ce principe "fort" est confirm par l'extraordinaire ajustement des param tres de l'univers. Modifier, ne serait-ce que tr rement, la constante de couplage, la courbure de l'Univers, son Isotropie, sa masse totale, son nombre de dimensions (3), l'existence m me des particules mentaires entra nerait des quences funestes pour l'homme. La question que l'on peut se poser est de savoir pourquoi tant de param tres influent sur l'apparition de l'homme... Fruit du hasard diront certains ? Mais le hasard n'explique pas l'abondance des caract ristiques qui montrent - tel le doigt de Dieu chez Michel Ange - l'homme comme point de convergence de l'Univers. Tout juste peut-il dire qu'il peut exister d'autres Univers sans homme. : 3. "Je suis la lumi re du monde" : 3.1. L'univers s'auto-engendre-t-il ? Ce n'est pas parce que le monde est r cursif qu'il est sa propre origine et sa propre fin. L'Univers ne serait-il qu'une serte au milieu de l'oc an du n ant ? On ferait ainsi une gr ve confusion entre ph ne structur transcendante. Il s'agit, par un transfert de vocabulaire du local l'universel, d'affirmer l'auto- engendrement de l'Univers. Dieu deviendrait l'Univers. Ou plut l'Univers deviendrait Dieu. C'est ce que le New Age tente d'imposer par leur th orie des nergies humaines subtiles, qui appartiennent l'Univers. Il s'agit d'un panth isme de type effusion, dissolution ou confusion (on appelle "panth isme" tout effort pour aliser une union mystique avec le tout). Theilhard de Chardin s'opposa ce panth isme de confusion, o Dieu devient le Tout, et le moi tend s'identifier avec le Tout, perdre conscience de ce qu'il comporte de personnel. Dans cet effort d'union mystique avec le Tout, il n'appara t aucune composante volutive. Voil un danger tr s important aujourd'hui pour les relations entre science et th ologie: lorsque l'on utilise une projection statique de la r transcendante sur la science. Un scientomorphisme tr ducteur, en quelque sorte ! : 3.2. La science nous livre-t-elle la pens e de Dieu ? Selon cette conception scientiste, l'homme peut trouver dans l'observation la "pens e de Dieu", c'est dire ce que Dieu sire de notre univers. Il s'agit en effet d'un n alisme platonicien, qui s'attache couvrir un sens partir des observations, sans aucune intervention divine. Ce serait videmment nier toute initiation divine; cela ne laisse aucune place la R lation chr tienne, ou l'illumination mystique orientale. Theilhard d signe comme panth isme de convergence celui qui, la diff rence du panth isme de confusion, comprend une attitude de recherche. Selon cette conception, Dieu est Tout en tous. Le sujet cherche rejoindre le centre o tout s'ach La conception scientiste que nous tudions est une premi variante de ce panth isme: nous l'appellerons panth d'unification. Selon cette th orie, le centre de l' volution na de la cor flexion. Il s'agit donc d'un centre virtuel et simplement collectif: c'est la science qui d finit son centre. On voit resurgir le principe anthropique. En effet, celui- coupl au panth isme d'unification, pourrait facilement d raper vers une interpr tation humaniste de l'Univers: l'homme serait le centre, le sommet mais aussi le point de d part de la cr ation. Cela n'est pas sans rappeller les th ories ath es comme les panth ismes humanitaires (effort pour servir le progr s) ou rialistes ( volutionisme marxiste o la mati re doit s'auto-cr er de fa on dialectique), sans oublier le New Age, qui s'attache placer l'homme au centre de l'Univers. Cette conception provient donc d'une connaissance scientifique qui borde de son propre cadre pour mettre la main sur Dieu. Dieu ne serait plus que le produit du moi, ou plut t d'un moi collectif. Ce point de convergence ne ressemble alors plus du tout notre conception du Dieu jud o-chr tien r s'agirait plut t d'une id le, d'une cr ation de l'homme. Voil comment la connaissance la plus neutre possible (observer les astres et tudier l'Univers) peut devenir un scientisme frustrant et id latre. Une gnose qui rend l'homme esclave de sa propre perception de l'Univers. : 3.3. Le concordisme Voi i une autre erreur, qui va dans le sens inverse du dent. L'exp rience est i i vue comme possibilit de prouver l'existence et la vie de Dieu. Mais il s'agit en fait de r rer la foi pour faire parler la science sur ce qu'elle ne s'occupe pas. Il s'agit de sauter les questions de "sens" pos e par la science, pour en laborer une illustration qui concorde tout fait avec la vision chr tienne. Un bon exemple de cette d marche est le livre de Jean Guitton et des fr res Bogdanov: "Dieu est la science". Le tirage a beau avoir astronomique, les r flexions philosophiques sembler passer la vitesse de la lumi re du point de vue physique l'ordre de la m taphysique, puis, dans la lanc un discours ologique. Cela a pu r concilier certains croyants avec la science. Cela a aussi r beaucoup de penseurs ! Voil comment r rer Dieu, et enfermer son visage dans une projection scientifique. Un scientologisme r ducteur et irrespectueux en quelque sorte ! : 3.4. Le Panth isme d'union Theilhard adopta une seconde variante du panth isme de convergence, oppos e au panth isme d'unification. Cette conception dynamique correspond l'accueil du Christ en l'homme nouveau, de @Col 3,10@ et surtout @1Co 15,28@: " Et quand toutes choses lui auront soumises, alors le Fils lui-m sera soumis Celui qui lui a tout soumis, pour que Dieu soit tout en tous. " Le Centre de l' volution est cette fois- i bien r el et transcendant. Il s'agit du Christ, dont l'incarnation assume de on myst rieuse la fois la divinit et la cr ation. Un visage du Christ la fois "Dieu-Alpha" (plac aux origines du monde) et "Dieu-Om ga" (plac l'aboutissement du monde"). La nouvelle face de Dieu qui se r le dans une vision du monde en cosmog se est celle d'un Dieu consid comme immerg dans volution, ce qui n'exclut pas sa transcendance primordiale (celle du Dieu biblique de la G se ou de l'Islam). Teilhard distingue ainsi, sans les oppposer, le "Dieu de l'en-avant" et le "Dieu de l'en-haut". Il parle de la "diaphanie christique", c'est dire d'un univers transparent qui permet au regard purifi adapt d'y discerner la pr sence du Christ. Panth Cr er une union mystique avec le Tout. / \ / \ panth isme de confusion panth isme de convergence Tout = Dieu = moi. Dieu = point de convergence Vue statique. d'une volution. / \ / \ panth isme d'unification panth isme d'union Dieu = convergence des Dieu = r el et r flexions. transcendant. Dieu = fruit de la cor flexion. Dieu = existe en soi. : 4. Conclusion La vision de Teilhard constitue me semble-t-il une thique de la connaissance extr mement int ressante. Elle permet en effet d'assumer parfaitement les connaissances cosmologiques ou physiques les plus pouss es, dans une vision de Foi v ritable. Ce n'est pas pour rien que le p re de Chardin cultivait une d votion toute particuli re au coeur de J sus ! Il nous met en garde contre une mauvaise gestion des autorit des connaissances. Dans une lettre V.Fontoynont: "La capacit d'aimer ne se s pare pas impun ment de son objet naturel: vouloir isoler maladroitement notre coeur de l'amour de l'Union, ne risque-t-on pas de le tuer ? [...] reconnaissant l'action atrice et formatrice de Dieu dans toutes les caresses et dans tous les heurts, dans toutes les passivit vitables et ductibles." Son anthropologie est tout aussi pertinente: "l'Homme, non pas centre statique du Monde - comme il s'est cru longtemps; mais axe et fl che de l'Evolution, - ce qui et bien plus beau." (Prologue du "Ph ne humain") Teilhard rejoint en cel Dante et le vers qui cl t le dernier chant du "Paradis": "L'amour qui meut le soleil et les autres toiles." Il permet de r soudre aujourd'hui l' ternel probl me: o placer le Christ dans l'univers de la connaissance ? Quelle est vraiment sa place sp cifique ? La clef de toute thique de la connaissance est l'ouverture la transcendance. Rester cantonn aux seules sciences enferme l'homme dans un agir, une morale "bancale", sans valeurs rieures stables. L'ouverture au Tout Autre permet d' manciper l'homme de bien des contingences. Toutefois, une mystique ritable ne cesse pas d'avoir les pieds sur la terre: les sciences permettent de faire voluer l'intelligence, cette intelligence humaine qui se laisse interpeller par son Dieu. Un Dieu qui aime sa cr ation jusqu' donner son Fils pour les hommes, cr atures cr son image. : III. ANNEXE : Principe anthropique fort Cons quences anthropiques des modifications de la constante de couplage INTERACTION DIMINUTION AUGMENTATION Forte - seulement des - noyaux lourds noyaux d'hydrog ne - pas d' toiles - pas de carbone - pas de carbone Electromagn tique - pas de liaison - peu de r actions mol culaire chimiques Faible - que de l'h lium - pas de supernovae - pas d'eau - pas d' ments - pas de cycle de lourds combustion nucl aire de l'hyrdrog ne Gravitationnelle - pas de r actions - dur e de vie des thermonucl aires dans toiles tr s courte les nuages stellaires - pas de supernovae - pas de plan tes Cons quences anthropiques de modifications des propri s de notre Univers PROPRIETE DE L'UNIVERS CONSEQUENCES DES MODIFICATIONS Courbure de l'Univers augmentation => effondrement de ( reli e au rapport l'Univers trop rapide pour la cr ation densit actuelle / de carbone partir des toiles. densit critique) diminution => pas de formation de galaxies. Isotropie de l'Univers Difficult de formations de galaxies dans des Univers anisotropes. Masse totale de e du cycle expansion-contraction l'Univers (si ferm trop court pour donner des plan partir des ments lourds des toiles Nombre de dimensions n > 3 => difficile d'imaginer des de l'espace (n) syst mes nerveux d velopp s n < 3 => pas d'orbite plan taire, ni d'atomes stables Identit des parti- le principe d'exclusion de Pauli ne cules de m me type s'appliquerait pas => alt ration des tres vivants Existence des parti- comment la vie pourrait-elle exister cules mentaires sans particule mat rielle ?