Les forêts tempérées

Il y a de cela bien longtemps, l'Europe occidentale et centrale était couverte de forêt tempérée vierge. A la fin du Moyen­Age, 80 pour cent de cette superficie était déboisée, et le même sort attendait les forêts des autres zones tempérées: aujourd'hui, il reste moins de 10 pour cent de forêts tempérées primaires dans le monde (à l'exclusion de la Communauté des Etats indépendants [CEI]).

Actuellement, la forêt tempérée occupe environ deux milliards d'hectares, dont l'essentiel se concentre dans la CEI (41%) et en Amérique du Nord (32%). On en trouve aussi dans les régions australes de l'Amérique latine, de l'Afrique du Sud, de l'Australie, de la Nouvelle­Zélande, de l'Asie septentrionale, de l'Europe et de l'Afrique du Nord.

Parmi les différents types de forêt tempérée existant dans le monde figure la forêt boréale, composée essentiellement de conifères, qui prospère dans la partie septentrionale de l'Amérique, de l'Europe et de la CEI. Les forêts méditerranéennes abritent des espèces comme le cyprès, le chêne­liège et le pin parasol, et occupent les littoraux et les îles de la Méditerranée. Les forêts ombrophiles à feuilles persistantes se trouvent sur la côte occidentale de l'Amérique du Nord, alors que les forêts à larges feuilles, comprenant des essences comme le chêne et le hêtre, poussent dans des régions telles que le Sud de l'Angleterre et le Nord de la France.

Toutes ces forêts sont extrêmement précieuses.

Pourquoi avons­nous besoin des forêts tempérées?

Les arbres protègent les sols de multiples façons. En se frayant un chemin dans la terre, leurs racines créent un effet d'éponge, qui permet à l'eau de pénétrer lentement et de s'accumuler dans le sous­sol. Les forêts peuvent donc éviter aux sols d'être emportés par la pluie et les cours d'eau, et limiter les risques d'inondation.

Les forêts jouent aussi un rôle dans la production de l'air que nous respirons et peuvent contribuer à limiter le réchauffement plané­taire. En croissant, les arbres absorbent le gaz carbonique (CO2) et produisent de l'oxygène. A mesure que leur croissance ralentit, leur capacité d'absorber le gaz carbonique diminue, mais ils continuent à stocker le dioxyde de carbone absorbé au cours du processus de croissance. Les micro­organismes qui vivent dans les sols des forêts captent et emmagasinent, eux aussi, du CO2. Le fait que les forêts absorbent du CO2 conduit à des initiatives controversées qui visaient à appliquer des programmes de reboisement pour parer au réchauffement mondial.

Les régions boisées jouent un rôle vital pour de nombreuses espèces végétales et animales et constituent une source importante de nourriture, telle que fruits, noix et champignons. Les sélectionneurs de plantes ont compris que les forêts recèlent des espèces sauvages très précieuses, apparentées aux arbres fruitiers que nous cultivons. Par exemple, un poirier ou un cerisier sauvage est généralement plus robuste et plus résistant à la sécheresse, aux maladies et aux insectes que son « cousin » domestiqué. C'est la raison pour laquelle les sélectionneurs croisent des variétés sauvages avec des variétés cultivées pour créer de nouvelle souches plus résistantes.

Les arbres nous fournissent aussi des substances médicinales: par exemple, l'aspirine a été mise au point à partir d'un composé du saule, couramment utilisé dans la médecine traditionnelle pour combattre les fièvres, et le rare if du Pacifique nord­américain contient du taxol, substance chimique très efficace, semble­t­il, pour lutter contre certaines formes de cancers.

Enfin, les forêts tempérées nous fournissent, bien entendu, du bois pour nos constructions, nos meubles, notre papier et notre chauffage.

Qu'arrive­t­il à nos forêts tempérées?

Si nos gouvernements s'intéressent aux forêts tempérées, c'est surtout pour le bois d'oeuvre qu'elles fournissent. Cela signifie que tous les autres biens et services qu'elles nous offrent ont tendance à être sous­estimés, voire méconnus. C'est ainsi que les forêts anciennes, avec leur riche mosaïque d'arbres jeunes, vieux et même morts, offrant chacune des habitats à une large gamme d'espèces, ont disparu, cédant la place à des plantations forestières qui ressemblent davantage à des champs de maïs qu'à des forêts.

D'un bout à l'autre de la région tempérée, de grandes multinationales forestières pénètrent dans les forêts avec leurs énormes engins, abattent les arbres sans aucun discernement, écrasent les plantes sous leurs bulldozers et laissent le désert derrière elles. Le bois d'oeuvre est ensuite en grande partie transformé en cellulose ou en copeaux entrant dans la fabrication de bois reconstitué et de matériaux de construction.

Moins de la moitié du bois d'oeuvre extrait en Europe est vendu sous forme de bois scié ou de contre­plaqué: le reste est écoulé sous forme de copeaux, de fibre ou de pulpe.

Au lieu de laisser les forêts se développer normalement et de se contenter d'exploiter le bois d'oeuvre sans porter préjudice à l'environnement - c'est­à­dire en recourant à des pratiques de foresterie traditionnelle comme l'abattage sélectif - les sociétés forestières abattent des pans entiers de forêts. Les zones dévastées sont ensuite replantées avec une seule essence, et vouées à la coupe dès que les arbres atteignent une taille commerciale.

En remplaçant les forêts tempérées par des plantations, nous avons perdu une précieuse source de protection des bassins versants et de merveilleux espaces récréatifs. La destruction des forêts anciennes prive également les animaux, les plantes, les champignons, les insectes, les lichens et les hommes d'un habitat vital. Et certains oiseaux, comme le grand coq de bruyère et le grand pic (qui se nourrit essentiellement d'insectes vivant dans le bois mort), ne peuvent survivre sans la forêt ancienne. Enfin, le mode de vie traditionnel de peuples autochtones tels les Sami de Scandinavie est directement menacé.

Mais les problèmes actuels des forêts tempérées ne s'arrêtent pas là. La pollution atmosphérique (due aux émissions de combustibles fossiles des centrales électriques, des usines et des voitures) affecte de nombreuses forêts.

Conjuguée à d'autres problèmes, tels que sécheresse et maladies, la pollution atmosphérique entraîne le dépérissement des forêts, se traduisant à son tour par un affaiblissement des arbres, qui perdent leurs feuilles ou leurs aiguilles, et deviennent plus vulnérables à la maladie, au gel et à la sécheresse. Ce phénomène a déjà rayé de la carte plusieurs forêts d'Europe et causé des dommages considérables.

Il est grand temps que les habitants des zones tempérées se rendent compte que leurs forêts sont aussi gravement menacées que les forêts tropicales.

Le saviez­vous?

  • le séquoia et le Douglas d'Amérique du Nord, qui atteignent 100 mètres de hauteur, sont les plus grands organismes vivants de la planète

  • certains pins de l'Arizona, âgés de plus de 4 800 ans, sont les plus vieux organismes vivants de la terre

  • aux Etats­Unis, 15 millions de tonnes de bois sont transformées chaque année en couches jetables

  • les incendies détruisent annuellement un demi­million d'hectares de forêts dans le bassin méditerranéen

Septembre 1992


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