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The Ape in History and Culture


Les singes dans l'histoire et la culture

Les primates ont toujours inspiré des sentiments contradictoires aux humains. Leur image orne les temples hindous et bouddhistes, leurs corps étaient embaumés par les Egyptiens, alors que les théologiens chrétiens les ont diabolisés. Leurs prouesses sexuelles sont enviées par les hommes, craintes par les femmes. Ils ont tour à tour été dépeints sous les traits du dieu, du violeur, du clown, de l'adorable animal de compagnie, du démon, de l'amuseur, du fou, du parent attentif, de l'ancêtre sacré ou du protecteur.

Mais quelle que soit la manière dont nous percevons les primates, une certitude demeure: nous partageons 98,4% de notre patrimoine génétique avec le chimpanzé. Les grands singes - gorilles, chimpanzés, orangs-outans - sont bel et bien nos plus proches cousins. Nous faisons tous partie de l'ordre scientifique des primates, formé de 12 familles et comprenant plus de 200 espèces connues.

Les attitudes envers les primates et les descriptions mythologiques ou pré-scientifiques dont ceux-ci ont fait l'objet varient sensiblement, surtout entre l'Orient et l'Occident. A Bornéo, l'orang-outan est considéré comme membre de la lignée sacrée. Leurs crânes - comme les os des baleines et des dauphins dans certaines sociétés asiatiques - ont valeur de chose sacrée. Par exemple, les Dayak, une peuplade du Sarawak, collectionnaient les crânes d'orangs-outans, qu'ils révéraient en tant qu'esprits d'un dieu nommé Antu Gergasi.
King Kong Poster King Kong est un classique du cinéma des années 30.
Bien qu'il ne soit pas classé parmi les quatre grands singes, le babouin a lui aussi marqué l'histoire. Les Egyptiens créèrent des cimetières pour singes à Thèbes, dans la Vallée des Rois, où ces animaux étaient enterrés en grande cérémonie. Dans l'ancienne Egypte, les inhumations d'êtres humains impliquaient généralement le dieu Hapi, à tête de babouin et corps d'homme. Si l'égyptien Hapi ne jugeait pas le défunt, un autre "dieu babouin" tenait ce rôle en Afrique de l'ouest: Gbekre, vénéré par la tribu ivoirienne des Baule. En 310 av. JC, des "villes de singes" existaient près de Carthage et donnaient leurs noms aux enfants. Quiconque tuait un singe était passible de la peine de mort.

Les gorilles ont quant à eux suscité davantage de crainte que d'adoration. Connus des Africains depuis la nuit des temps, ils n'ont été décrits pour la première fois qu'en 1846 par les scientifiques occidentaux. Thomas Savage notait dans ses observations faites à partir d'une peau que cet animal était "extrêmement féroce". Il refusa pourtant d'accepter la croyance universelle que les gorilles enlèvent les femmes et chercha à dissiper celles qui voulaient que les gorilles se cachent dans l'obscurité et attaquent les villageois ou encore qu'ils dominent les éléphants grâce à leur force brutale. Peine perdue; moins de dix ans plus tard, l'américain Paul du Chaillu, relatant ses chasses au gorille - les premières à utiliser des armes à feu -, écrivit: "Le gorille me fit penser à une bête cauchemardesque, un être hideux, mi-homme, mi-animal." L'homme découvrit bientôt que le gorille n'avait pas le pouvoir de résister aux balles; néanmoins, la réputation de bête assoiffée de sang poursuivit l'animal durant plusieurs dizaines d'années.

Les gorilles, les chimpanzés et les orangs-outans inspirèrent des histoires, des livres et des films, dont le plus célèbre reste sans doute King Kong, réalisé à Hollywood dans les années 30. La série des Tarzan, avec Chita, le chimpanzé clown, date de la même période. Au fil du temps, le rôle de Chita a été tenu par plusieurs chimpanzés différents; en effet, lorsqu'un chimpanzé devient adulte, il perd son tempérament joueur pour devenir plus agressif.

Un autre film célèbre, La planète des singes, illustre une lutte de pouvoir entre gorilles et chimpanzés sur une planète où les êtres humains sont relégués au rang d'esclaves. "Les meurtres de la rue Morgue" ("The murders of the rue Morgue"), roman d'Edgar Allan Poe, met en scène un orang-outan mâle qui enlève et tue des jeunes femmes.

Avec les années, certaines attitudes à l'encontre des singes ont changé, d'autres ont persisté. Les gorilles et d'autres primates sont aujourd'hui encore objets de culte dans diverses régions d'Afrique. Pour plusieurs communautés, les manger est tabou; d'autres pensent au contraire que celui qui en consomme en acquiert les pouvoirs. Comme nous le verrons dans le chapitre consacré à la viande de brousse, les primates sont également mangés pour des raisons purement nutritives. Une récente étude a cependant révélé que la viande de singe pouvait véhiculer des agents pathogènes pour l'homme. Sa consommation n'est donc pas sans danger.

L'un des plus grands problèmes auxquels sont confrontés les jeunes singes, c'est l'attrait qu'ils exercent sur les êtres humains. Autant les adultes ont pu être détestés, autant les petits ont toujours suscité un amour inaltérable, précisément jusqu'au moment de leur maturité où ils sont alors abandonnés ... Il a fallu de longues recherches scientifiques pour que les singes soient enfin reconnus comme des créatures gentilles et affectueuses. Certes, entre eux, les chimpanzés peuvent commettre des meurtres, s'adonner au cannibalisme ou engager une guerre. Comme les humains, les singes protègent leur clan et agressent tout étranger qu'ils estiment dangereux. Il est fréquent qu'ils meurent en défendant leur groupe. Ce comportement naturel d'autodéfense - d'ailleurs comparable à nos propres réactions - a souvent valu au singe la fausse image d'un animal qui attaque même s'il n'est pas provoqué.

On comprend mieux ainsi pourquoi le monde a été étonné d'apprendre qu'un jeune garçon tombé dans la fosse aux gorilles du Zoo de Brookfield (Etats-Unis) avait été ramené aux gardiens par l'un des primates, en l'occurrence une femelle portant son propre petit sur le dos!