Par Sally Zalewski
Dans le nord de la Tunisie, la population s'attache à protéger les éperviers, même si ces rapaces sont parfois capturés, gardés en captivité et dressés pour la chasse. Mais d'autres oiseaux sauvages font l'objet d'un commerce croissant et qui laisse des traces.
Tunis, Tunisie: Les habitants du Cap Bon, sur la côte nord-est de la Tunisie, en face de la Sicile, sont passionnés par les oiseaux. Une passion qui n'est plus sans danger pour certaines espèces, trop appréciées; au point qu'ils sont maintenant encouragés à changer leurs habitudes.
Le paysage côtier intouché, où les dunes ondulent et les pinèdes investissent les collines, est le royaume de l'épervier, oiseau respecté au Cap Bon. C'est que la fauconnerie a en effet une dimension quasi artistique en cet endroit.
Chaque année, entre le 15 mars et le 15 avril, les hommes abandonnent travail, foyer et famille pour se répartir sur les collines et attraper dans leurs filets des éperviers en pleine migration. Les rapaces seront dressés par des fauconniers et utilisés principalement pour la chasse à la perdrix. Une activité rigoureusement contrôlée, qui nécessite un permis et est soumise à des quotas: quatre éperviers par personne et par an.
Puis, une fois la saison de chasse terminée, chaque épervier attrapé sur les quelque 300 sites de capture est relâché dans la nature, à l'occasion d'un Festival de l'épervier, qui a lieu le 20 juin. Leur vente est strictement interdite.
Mais cette attraction locale - presque obsessionnelle - pour les oiseaux ne concerne pas les seuls rapaces et certaines espèces n'ont pas la chance de l'épervier.
Faouzi Maamouri, responsable du Bureau régional du WWF - Fonds mondial pour la nature à Tunis, est précisément originaire du Cap Bon et se plaît à en rappeler l'un des dictons: "Si tu coupes un vieil arbre, veille à planter dix pousses pour le remplacer. Le chant des oiseaux sera ta récompense." Le problème est que de nombreuses personnes en Tunisie aiment entendre le chant des oiseaux également chez eux. Les chardonnerets, et d'autres espèces avec eux, sont ainsi victimes d'un commerce important.
Un recensement mené dans le cadre d'une étude sur le commerce des oiseaux sauvages, financée par le WWF - Pays-Bas, a déjà démontré que la population des chardonnerets sauvages diminue de manière significative.
La survie des oiseaux est également menacée par le manque d'eau, les canaux d'irrigation ouverts étant remplacés par des méthodes d'arrosage plus sophistiquées. Quand les oiseaux migrateurs exténués font halte dans les oasis du désert afin de se reposer et de s'abreuver, ils deviennent des cibles faciles pour les enfants, qui se contentent de simplement les ramasser. Ils sont aussi capturés au moyen de filets, de colle ou d'appâts liquides.
"La migration des oiseaux coïncide malheureusement exactement avec les vacances scolaires de mars, et les écoliers les capturent alors pour jouer ou passer le temps", précise Faouzi.
Afin de remédier à ce problème, le bureau du WWF à Tunis a engagé une personne qui va analyser le dernier maillon de ce commerce, et déterminer à quel type de consommateurs il s'adresse. Il s'agira alors de sensibiliser les gens à ne pas acheter de fragiles espèces sauvages - susceptibles de mourir rapidement une fois extraites de leur milieu naturel - et de choisir à la place des perruches ou des canaris, élevés en captivité.
Si les autres espèces ne reçoivent pas le même respect que l'épervier, le chant des oiseaux pourrait bientôt faire partie du passé au Cap Bon.
* Sally Zalewsky est une rédactrice indépendante, basée à Paris.