McDo digΦre mal son procΦs

La firme a gagnΘ contre deux Θcolos. Une pub dΘsastreuse.

Par FRAN╟OIS SERGENT - Londres de notre correspondant

LibΘration (FR); Vendredi 20 juin 1997

McDonald's regrettera longtemps d'avoir intentΘ un procΦs contre deux Θcolos londoniens, vΘgΘtariens et malins. Bien s√r, les tracts que distribuaient Helen Steel et Dave Morris devant les restaurants de la chaεne de hamburgers pouvaient paraεtre infamants, dΘnonτant pΩle-mΩle la ½torture╗ des animaux transformΘs en viande hachΘe ou les conditions de travail chez McDonald's. Mais leur diffusion Θtait limitΘe, et leur groupe, London Greenpeace (sans relation avec la multinationale de l'Θcologie), menaτait de plier bagage pour manque de fonds et d'audience.

Trois ans plus tard, α l'issue du plus long procΦs de l'histoire judiciaire britannique, 313 jours, les deux militants sont devenus des hΘros, multipliant interviews et interventions. Et McDonald's a d√ en 40 000 pages rΘpondre point par point aux accusations de Steel et de Morris. Techniquement, McDo a gagnΘ hier son procΦs en diffamation, mais le mal est fait, d'autant que le juge dans son arrΩt de 765 pages a confirmΘ la vΘracitΘ de plusieurs accusations, notamment sur l'exploitation des employΘs et la cruautΘ envers les animaux.

Le procΦs quel qu'en soit le verdict est devenu celui du gΘant du hamburger. Un site sur l'Internet consacrΘ au procΦs McSpotlight (www.mcspotlight.org) raconte l'ensemble de l'affaire et permet de dΘcharger dans la langue de son choix un tract anti-McDo ou de participer α un passionnant groupe de discussion sur les vertus du soja. Un livre expose Θgalement l'histoire des deux David contre le Goliath de la junk food, et toutes les tΘlΘvisions du monde et tous les journaux se sont fait l'Θcho du procΦs . Un dΘsastre en terme de relations publiques pour la firme.

Ce succΦs paraissait pourtant impensable lorsqu'en septembre 1990 McDonald's porte plainte contre cinq militants de London Greenpeace, tous accusΘs d'avoir diffamΘ la compagnie et sa gastronomie. McDo leur met un marchΘ en main : ou vous vous excusez publiquement ou nous vous mettons un procΦs sur le dos qui vous ruinera. Trois Θcolos cΦdent. Morris et Steel dΘcident de rΘsister. L'un est ch⌠meur, l'autre barman α temps partiel, et avec leurs faibles revenus n'ont rien α perdre.

McDonald's en revanche dΘploie toute sa logistique juridique et marketing. Il prend le meilleur avocat de Londres et engage une Θquipe de dΘtectives chargΘs d'infiltrer le groupe vΘgΘtarien. De l'autre c⌠tΘ, les deux Θcolos se voient refuser l'aide judiciaire et dΘcident de se dΘfendre, sans avocat, une tΓche colossale. Ils doivent prouver toutes leurs assertions, tΘmoignages α l'appui ¡ livres, films ou journaux sont inacceptables. McDo, prΘtextant de la technicitΘ de l'affaire, rΘussit α imposer un procΦs jugΘ par un juge et non par un jury plus favorable a priori aux petits. Mais Steel et Morris s'accrochent, soutenus par un rΘseau de militants trΦs professionnels et d'anciens employΘs de McDo.

Prenant le gΘant du hamberger α son propre piΦge, ils font dΘfiler au tribunal tous les grands patrons de McDo. L'un deux, tΘmoin α charge involontaire, avoue: ½Je suis nΘ avec du ketchup dans les veines.╗ Des documents secrets de la firme ¡ dont l'un accablant qui admet: ½Nous ne sommes pas ici pour bien nourrir les gens╗ ¡ sont rendus publics. Un cancΘrologue employΘ par McDo reconnaεt que certaines accusations du tract originel sur la nocivitΘ des McDo sont ½raisonnables╗. Toute la machinerie marketing de McDonald's, qui attire les enfants avec son clown Ronald pour crΘer une accoutumance, est dΘmontΘe. On apprend qu'un McDo de Colchester est rΘguliΦrement inondΘ par un Θgout. le procΦs tourne α la farce. Un dΘtective de la firme tombe amoureux d'une Θcolo et change de camp.

Tous les soirs, le site web rapporte l'ensemble de l'audience α la planΦte entiΦre. McDonald's sent le procΦs lui Θchapper. En juin 1995, des grands patrons de McDo Etats-Unis viennent α Londres pour essayer de faire la paix. Steel et Morris refusent compromis et argent, et racontent tout. McDonald's perd une nouvelle fois la face. Et ce ne sont pas les 60 000 livres (570 000 francs) accordΘes hier par le juge au gΘant du hamburger, qui aura dΘpensΘ 10 millions de dollars (60 millions de francs) pour ce procΦs, qui rachΦteront ce dΘsastre publicitaire.


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