1) Préambule
2) Au Pays du Volcan
Ceux qui avaient fait le choix de rester près du Volcan avaient pour habitude d'élever des familiers, rapaces ou fauves, ou les deux. Mais contrairement à des animaux normaux, ces familiers n'étaient que des machines perfectionnées, dans lesquelles leurs possesseurs y déposaient une partie de leurs âmes et de leurs vies. C'est ainsi que ces familiers étaient doués de capacités sans communes mesures avec les autres machines d'autres contrées lontaines, qui n'étaient que de vulgaires machines.
Ainsi, ces gens passaient un peu de leur temps avec leurs familiers, des moments de pure passion pour être exact. Certains, comme Monsieur Boule, faisait faire des démonstrations d'agilité à leur Faucon et s'extasiaient devant ces exploits qui réunissaient dextérité du familier et intelligence du possesseur. D'autres se réunissaient autour de leur Jaguar et passaient un moment de détente. D'autres encore passaient leurs nuitées avec leurs propres familiers afin de concevoir leur nourriture, car, chose troublante, ces gens les nourrissaient avec leur propre intelligence, extraite durement et déposée sur un support par on ne sait quel genre de magie.
Tout cela n'aurait été qu'un conte de fées si certains, intoxiqués par les modes de pensées des contrées lointaines, ne s'étaient acharnés à faire ressembler les familiers de ce pays idyllique aux machines du Dehors, efficaces, certes, mais sans âme aucune.
Ainsi, Romuald, un gentil enfant du Pays du Volcan, génie en son genre
mais d'humeur capricieuse, s'était insurgé contre la lenteur des
familiers et proposait d'accélérer leur vol ou leur course. Volonté
noble en elle-même, mais qui conduisit par la suite à assombrir le
ciel au dessus de Volcan. Vivant justement du métier de la réparation
des familiers, ce n'était que logique. Ainsi pensait-il améliorer son
commerce... Mais comme beaucoup de commerçants de machines, celui-ci
utilisa des principes de vente détestables : il utilisa tout d'abord
la passion des gens pour les aveugler et leur faire acheter ses
réalisations.
Ainsi les possesseurs de Faucons mirent-ils tous leurs espoirs dans
cet enfant devenu homme d'affaires. Car d'affaires, il commençait à en
faire. Les familiers furent envoyés à ses mains expertes, et ces
derniers furent soudain plus rapides, mais à quel prix... Les
possesseurs, croyant de bonne foi ce gentilhomme et n'ayant aucune
objection à lui soumettre furent contraints de remplacer la mémoire et
d'autres parties de leur familier, contre espèces sonnantes et
trébuchantes, car l'amélioration le nécessitait. Ce que Romuald
omettait de dire, c'était que les Faucons n'étaient pas faits pour
voler plus vite, et que beaucoup d'oiseaux s'écrasaient par la suite
ou n'en faisaient qu'à leur tête, n'obéissant plus du tout à leur
possesseurs.
Jeoffrey, un autre commerçant et également un des rares porteurs de nouvelles, commença à s'inquiéter de cela. Il critiqua Romuald, ceux-ci devinrent ennemis et ne parlèrent plus. Et quand le premier des deux dû déclarer forfait, à court d'argent et épuisé par son travail, le second eut la détestable réaction de se délecter ouvertement du malheur du premier.
Puis vint le jour où l'enfant décida de construire lui-même un familier, tout nouveau tout beau, bien plus rapide et mieux conçu que les Faucons, car le fabricant de ces merveilleuses machines s'en était allé. Certains villages voisins fabriquaient des rapaces, et pour se distinguer des autres, Romuald clama haut et fort que le sien serait le meilleur, car il était un génie. Et comme tout génie, il eu un penchant pour l'arrogance, le mépris et la suffisance. Les gens pardonnèrent, car, au fond d'eux-même, ils espérèrent que ce génie auto-déclaré leur apporteraient un magnifique rapace, né des cendres du Volcan et que chacun pourrait adopter comme familier.
Romuald commença donc à étudier les Faucons pour concevoir la future merveille. Il remplaça le coeur du familier pour en mettre un qui battait plus vite. Il y mis tout son courage, sa patience et son génie, car du génie, il en regorgeait. Et pour financer son projet, il dû vendre ce nouveau coeur. Beaucoup de gens furent aveuglé par les annonces qu'il fit. Un nouveau coeur pour le Faucon, un coeur qui lui permettrait de voler plus vite que le son ! Il y mis du temps, car de nombreux problèmes techniques l'empêchaient de continuer... Et un beau jour, le nouveau coeur fut proposé aux possesseurs de Faucons. Ils furent émerveillés et en voulurent chacun un. Le problème, c'est que Romuald ne disait jamais que beaucoup de familiers ne supporteraient pas le remplacement du coeur : il avait besoin d'argent car il vivait de cela. Et d'argent, il en demanda : la modification nécessitait le remplacement de la mémoire, des yeux, des disques vertébraux, du cervelet...
C'est à ce moment qu'il commença à perdre sa clientèle. Beaucoup de possesseurs de Faucons durent s'en séparer car ils ne fonctionnaient plus comme avant, et maudire en leur fort intérieur leur aveuglement. Le pire est qu'ils se sentaient coupables d'avoir fait confiance à cet enfant génial (et également aux porteurs de nouvelles qui s'étaient fait l'écho de ses dires), encore plus après s'être fait insulter par ce même génie. Car celui-ci était devenu d'humeur exécrable, d'une impolitesse à la hauteur de ses capacités. Il ne prenait même plus la peine d'utiliser son rapace pour leur envoyer message, griffonnant paresseusement à la main quelques morceaux d'insultes à l'attention du client récalcitrant ou de menaces ouvertes à l'égard d'un porteur de nouvelles qui commençait à s'interroger sur ses intentions. Il ne les signait jamais bien sûr.
C'est ainsi qu'un ami, esthète et amateur de boissons gazeuses, dû se séparer
de son familier après lui avoir acheté un nouveau coeur, pour méditer
sur la vie et la culture des pommes.
Monsieur Boule n'eut plus le loisir d'enseigner à son familier les
démonstrations qu'il aimait tant.
Et il y en eut beaucoup d'autres.
Pendant ce temps, Romuald continua à allécher les futurs acheteurs, avec des spécifications si merveilleuses que ceux qui avaient eu affaires avec lui pardonnaient et se complaisaient dans cet aveuglement."
3) Le dur réveil
Mon esprit n'est maintenant plus tranquille et serein. Je me pose des questions. Si Romuald ne concevait que son familier pour les gens du Dehors, et ne produire que des machines qui ne pourraient avoir d'âmes ? Et se fichait éperduement des Gens du Volcan, profitant de la passion de ces derniers pour ses propres desseins ?
Celà ne se peut, me dis-je, celà ne se peut. Personne n'est en mesure de juger, chacun pouvant être acteur de cette histoire. Il y a par contre une leçon à retenir pour que ce mauvais conte ne se répète pas. Ma mère a un adage : "ne pas vaincre mais convaincre". J'en utiliserai un de mon cru, inspiré par mon dramaturge favori : "ne rêvez pas dans l'excès, aimez dans la modération".
Pierre TONTHAT
écrit le 10/04/99
(*)Shakespeare William, Romeo and Juliet (Acte II, Scène 6, Ligne 14).
L'image est de ST Survivor/Loud (j'espère qu'il ne m'en voudra pas de l'avoir
utilisé, elle est tellement belle :).